Source: CNRS

Un transfert de gènes entre la microalgue Emiliania huxleyi et un virus géant vient d'être mis en évidence par des chercheurs du laboratoire Information génomique et structurale (CNRS) et de la Station biologique de Roscoff (CNRS/UMPC), au sein d'une équipe internationale. La particularité de cette découverte est l'implication dans ce transfert de plusieurs enzymes essentielles à toute la voie biosynthétique de la céramide, molécule polyvalente qui participe à divers processus de signalisation cellulaire chez les eucaryotes comme la mortalité cellulaire ou la méiose. Ces travaux sont publiés dans la revue Genome Research d'août 2009.

Les microorganismes océaniques photosynthétiques (cyanobactéries et microalgues eucaryotes) sont à l'origine de plus de la moitié de la production d'oxygène de la planète. Le niveau élevé de la production biologique de ces microorganismes s'explique par la rapidité de leurs cycles de reproduction et de mort. Il est établi que les virus océaniques jouent un rôle significatif dans ce processus, en infectant et tuant ces microorganismes quotidiennement. Emiliania huxleyi est une microalgue eucaryote à large distribution océanique ; elle est connue pour ses vastes efflorescences et la beauté des écailles de son exosquelette en carbonate de calcium. La mort de ces algues précipite des masses importantes d'exosquelettes dans la lithosphère océanique profonde (ces précipitations sont à l'origine des falaises de craie blanche telles que celles de Douvres, en Angleterre, créée par l'accumulation sur des millions d'années des exosquelettes de ces microalgues).

Un virus géant icosaédrique (qui a une forme de polyèdre à 20 faces) à ADN nommé EhV est un facteur majeur à l'origine d'une mortalité massive chez E. huxleyi. Dans cet article, les chercheurs ont comparé la séquence génomique de E. huxleyi avec celle du virus EhV. Ils ont ainsi pu établir les preuves d'un transfert de gènes entre cette microalgue eucaryote et le virus. Plus étonnant encore, ce transfert génique implique non pas un seul, mais une série de sept gènes enzymatiques essentiels pour toute la voie biosynthétique de la céramide (molécule polyvalente qui participe à divers processus de signalisation cellulaire chez les eucaryotes comme la mortalité cellulaire ou la méiose). Le transfert horizontal des gènes est un phénomène bien connu chez les bactéries pathogènes, qui acquièrent par le biais de ce type de transfert de nouvelles fonctions telles que la résistance aux antibiotiques. Cependant, il est rare d'observer le transfert de l'intégralité d'une voie métabolique.

Les auteurs avancent également des preuves du fonctionnement actif de ces gènes de biosynthèse de la céramide tant chez E. huxleyi que les virus. Chez les eucaryotes, la céramide est un élément important des membranes cellulaires, jouant différents rôles dans la réponse au stress et les signaux intracellulaires, y compris le contrôle de l'apoptose (mort cellulaire) et la division cellulaire méiotique. Actuellement, la céramide est utilisée dans certains produits de soin de la peau et anti-âge des industries cosmétiques. Le rôle de cette dernière au sein du virus EhV reste inconnu à ce jour, mais les microbiologistes considèrent que cette nouvelle voie céramide d'origine virale joue un rôle central dans l'interaction entre E. huxleyi et EhV, en contrôlant par exemple la durée de vie des algues hôtes.