Source et illustration: Communiqué Commun: CEA/I²BM/Inserm, Assistance Publique des Hôpitaux de Paris

Pourquoi certains patients schizophrènes entendent-ils des voix à l’intérieur de leur tête et d’autres des voix provenant de l’extérieur ? Des chercheurs CEA-Inserm de l’I²BM, en collaboration avec des services de psychiatrie des groupes hospitaliers Chenevier-Henri Mondor et Cochin-St-Vincent de Paul (AP-HP) et de l’hôpital Sainte-Anne, ont montré qu’une différence anatomique du cerveau, située au niveau de la région impliquée dans la localisation spatiale du son, peut expliquer cette distinction dans la perception des voix.

La schizophrénie touche 1% de la population mondiale (OMS) et se caractérise par différents symptômes cliniques. Les hallucinations auditives verbales, c’est-à-dire la perception de voix, est un symptôme très fréquent puisque 70% des patients en souffrent. Dans 20% des cas, elles résistent à toute forme de stratégies thérapeutiques. Mieux comprendre les mécanismes de ces hallucinations résistantes pourrait ouvrir de nouvelles perspectives pour les traiter. Ces résultats font l’objet d’une publication parue en ligne le 7 août 2009 sur le site de la revue Schizophrenia Bulletin.

Depuis les travaux initiaux de Bleuler et Kraepelin, deux types d’hallucinations auditives sont distingués dans la schizophrénie: celles où les patients entendent des voix dans leur tête et celles où ils les perçoivent comme provenant de l’extérieur. Cette distinction clinique a amené les chercheurs à explorer les mécanismes cérébraux impliqués dans la localisation spatiale des hallucinations auditives résistantes aux traitements thérapeutiques.

Une étude comparative par IRM (Imagerie par Résonance Magnétique: en appliquant une combinaison d'ondes électromagnétiques à haute fréquence sur une partie du corps et en mesurant le signal réémis par certains atomes (comme l'hydrogène), il est possible de déterminer la composition chimique et donc la nature des tissus biologiques en chaque point du volume imagé) de l’anatomie du cerveau de 20 sujets sains et deux groupes de patients schizophrènes souffrant de ces deux types d’hallucinations auditives (12 patients entendant uniquement des voix d’origine extérieure et 15 les entendant uniquement à l’intérieur) montre qu’il existe une différence dans la région impliquée dans la localisation spatiale du son (cortex temporo-pariétal de l’hémisphère droit). En étudiant l’anatomie de cette région grâce à des méthodes sophistiquées d’analyse d’image 3D développées à NeuroSpin, les chercheurs ont mis en évidence une anomalie concernant la jonction entre deux plissements, ou sillons, du cortex: le sillon temporal supérieur et le sillon angulaire (image de gauche). Plus précisément, par rapport aux sujets sains, on constate que pour le groupe qui entend des voix à l'extérieur de la tête, la jonction est significativement déplacée en avant du cerveau, et pour ceux percevant des voix à l'intérieur de leur tête, la jonction est déplacée significativement en arrière du cerveau.

Cette différence de position de jonction de sillons pourrait indiquer l’existence de déviations lors de la maturation du cerveau, durant le troisième trimestre de la grossesse, lorsque ces deux plissements apparaissent, d’abord séparés puis se connectant ensuite. Ces résultats suggèrent que l’anatomie du cerveau est un déterminant possible de l’expression d’un phénomène aussi subjectif et intime que la localisation des voix dans cette maladie. Un argument de plus pour cesser de stigmatiser les patients atteints de cette maladie encore mal connue.