Chimie verte: des pièges à métaux lourds
Par Benje le vendredi, septembre 4 2009, 11:52 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS
Le mécanisme d'action d'une enzyme végétale responsable de la synthèse de la nicotianamine vient d'être dévoilé. Cette molécule est capable de fixer les métaux lourds, des polluants répandus qui peuvent contaminer les sols et qui constituent de fait un véritable problème environnemental. Ces résultats, obtenus par des chercheurs de l'UMR6191 (CEA/CNRS/Univ Aix-Marseille2) de l'Institut de biologie environnementale et de biotechnologie (Cadarache) et de l'INRA (Montpellier), sont publiés en ligne par la revue Proceedings of the National Academy of Sciences of USA. Ils pourraient permettre une optimisation du développement de capteurs biologiques de métaux lourds par les plantes et constituer un nouvel outil de dépollution des sols.
Petite molécule largement présente chez les plantes,
la nicotianamine (NA) est impliquée dans la régulation des
concentrations de nombreux métaux essentiels tels que le fer, le zinc
et le cuivre. Elle joue un rôle important dans le chargement,
la mobilisation et la distribution de la forme ionique de ces métaux
dans les différentes parties de la plante. NA est synthétisée par la
nicotianamine synthase (NAS), une enzyme de plante extrêmement
difficile à produire et à purifier, ce qui rend son étude fonctionnelle
particulièrement délicate. Pour contourner cette difficulté, les
chercheurs de l'iBEB et de l'INRA ont analysé les différents génomes d'archaea (le vivant étant divisé en trois domaines - les eucaryotes avec cellules possédant un noyau, les bactéries, et les Archae, ces
derniers sont des microorganismes qui vivent généralement en conditions
extrêmes) séquencés à ce jour. Ils ont ainsi trouvé, chez Methanothermobacter thermautotrophicus,
un gène codant pour une enzyme NAS très proche de celle des plantes et
sont parvenus à la purifier et à déterminer sa structure
tridimensionnelle. Cette enzyme d'archaea est capable de synthétiser un
composé très proche de la nicotianamine des plantes, la
thermo-nicotianamine. Bien qu'inconnues à ce jour, les propriétés de
fixation des métaux de cette nouvelle molécule pourraient s'avérer
prometteuses pour des applications biotechnologiques.
Afin d'aller plus loin dans la compréhension des mécanismes d'action de
la NAS, grâce à la détermination des structures tridimensionnelles de
l'enzyme à plusieurs étapes de la réaction, les chercheurs ont observé
pas à pas la fabrication de NA, qui se fait par association de 3
molécules d'un substrat: la S-adenosylmethionine. L'étude des cinq
structures tridimensionnelles obtenues a permis d'entrer au cœur du
fonctionnement de cette protéine: le site actif, ou lieu de la
réaction, est enfoui dans une cavité au centre de l'enzyme dont
l'ouverture ne permet l'accès que d'une seule molécule de substrat à la
fois. Ainsi le premier substrat entre dans la cavité et se fixe sur un
premier site situé à l'entrée. Lorsque la deuxième molécule de substrat
entre à son tour, elle va déplacer la première vers un second site de
fixation plus enfoui, permettant la formation d'une liaison entre ces
deux molécules. De la même façon, l'entrée de la troisième molécule de
substrat va entraîner le déplacement du duo déjà formé au fond de la
cavité et permettre ainsi l'association finale des trois molécules. La
réaction de polymérisation s'arrête ensuite, faute de place dans le
site actif.
Ces résultats lèvent un voile sur le mécanisme jusque là inconnu de
synthèse de la nicotianamine chez les plantes et pourraient permettre
une optimisation de la synthèse de capteurs biologiques de métaux
lourds. L'utilisation de plantes pour réhabiliter des environnements
pollués est un domaine en pleine expansion. Il constitue en effet une
solution écologique et sûre à la problématique environnementale posée
par ces métaux.