Paul Benkimoun

Une équipe de chercheurs américains a identifié une nouvelle cible sur le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), un 'talon d'Achille' qui pourrait permettre une percée dans la mise au point d'un vaccin. Publié jeudi 3 septembre sur le site de la revue Science, leur travail porte sur des anticorps neutralisants capables d'inhiber de nombreux types de VIH (A, B, C ,etc.) plus particulièrement répandus dans les pays en développement. 'C'est un travail important', commente le professeur Jean-François Delfraissy, directeur de l'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites (ANRS).

Pour infecter une cellule, le VIH a besoin de deux molécules, des glycoprotéines, présentes à sa surface. L'une d'elle, la gp120, lui sert à se lier à la cellule, et l'autre, la gp41, à fusionner avec elle. Ces éléments clés pour le VIH sont considérés comme de bonnes cibles pour un vaccin antisida. Un tel vaccin doit être capable de susciter une réponse du système immunitaire sous forme de production d'anticorps neutralisants par les cellules B (lymphocytes B).

Recherche originale

La mise au point de ce vaccin a paru s'éloigner au fil des déconvenues lors des essais cliniques. La plupart des anticorps neutralisants identifiés n'ont montré une capacité d'inhibition que sur un petit nombre de souches de VIH. Ce d'autant que les gp120 et 41 sont très variables, et échappent ainsi aux défenses immunitaires. Seule une petite minorité d'individus est spontanément capable de produire des anticorps à large spectre, actifs sur un pourcentage élevé de types du VIH, ce qui leur permet de résister à l'infection.

Travaillant avec des sociétés de biotechnologie et dans le cadre du consortium IAVI (Initiative internationale pour un vaccin contre le sida), l'équipe de Dennis Burton (Scripps Research Institute, La Jolla, Californie) a conçu une stratégie de recherche originale. Elle a commencé par examiner l'étendue des capacités de neutralisation du VIH dans le sérum de 1 800 personnes infectées par des VIH n'appartenant pas au type B. Ce dernier est présent en Amérique du Nord et en Europe, tandis que les autres types dominent ailleurs dans le monde.

Deux des anticorps neutralisants retrouvés, appelés PG9 et PG16, ne se liaient que faiblement à la gp120 et à la gp41 lors des tests classiques utilisant des formes solubles de ces glycoprotéines. Cependant, ils se révélaient capables de les neutraliser fortement lors de tests plus innovants réalisés avec le virus complet.

Dennis Burton et ses collaborateurs ont produit des clones de cellules B, et sélectionné ceux pouvant avoir une production importante d'anticorps neutralisants. En testant les anticorps PG9 et PG16, les chercheurs ont constaté qu'ils avaient pour cible deux régions non variables de la gp120. "Les anticorps neutralisants larges PG9 et PG16 ne reconnaissent pas une séquence linéaire de la gp120 et de la gp 41, mais une partie de cette séquence et la conformation dans les trois dimensions de la glycoprotéine, explique le professeur Delfraissy. Cela explique leur capacité de neutraliser toute une série de souches sauvages du VIH n'appartenant pas au type B."

Jusqu'ici, ce type d'anticorps neutralisants n'avait été mis en évidence que sur des types B. "Depuis trois ans, l'IAVI a soutenu cette stratégie qui concerne les virus présents dans les pays en développement. Une attitude qu'il faut saluer, car le travail de l'équipe de Dennis Burton ouvre des perspectives pour mettre au point un vaccin visant à produire des anticorps de ce type. De plus, le pouvoir neutralisant que montrent ces anticorps est suffisamment fort pour que l'on puisse penser que même un vaccin ayant un pouvoir immunogène limité pourrait suffire à induire une protection contre le VIH", estime le professeur Delfraissy.