Source: CNRS

Les chercheurs de l'Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (Université de Strasbourg / CNRS) ont étudié les sorties en mer du manchot pygmée, entre l'Australie et la Tasmanie. Ils ont montré que les événements météorologiques du type El Niño, en mélangeant les eaux de surface, sont défavorables à ces animaux qui trouvent beaucoup moins de poissons à manger.

Les événements météorologiques extrêmes, comme les orages qu'a connu le sud des États-Unis ces dernières années, devraient devenir de plus en plus fréquents mais aussi de plus en plus violents . Ces orages augmentent le mélange des couches supérieures des océans sous l'action du vent, ce qui entraîne une homogénéisation de la température de l'eau sur les premiers 100 mètres. Les effets d'une telle uniformisation sur la dynamique des chaînes alimentaires restent peu connus. C'est dans ce cadre que les chercheurs de l'Institut Pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC) à Strasbourg ont étudié le cas du manchot pygmée.

Le manchot pygmée est un petit animal pesant un kilogramme environ, qui vient se reproduire dans le détroit de Bass Strait (entre le continent Australien et la Tasmanie), aux alentours du mois de novembre. Le reste de l'année, il est en mer. Les chercheurs de l'IPHC ont travaillé en étroite collaboration avec leurs confrères du Philip Island Nature Park (Australie), qui ont implanté des nids sur l'Ile Philip, pour favoriser la reproduction du manchot pygmée. Depuis 2004, à la période de reproduction, ces deux groupes de chercheurs étudient le comportement de prédation des manchots pendant leurs sorties en mer. Un suivi à long terme est nécessaire pour pouvoir comparer les années normales aux années perturbées. Quand les manchots reviennent au nid, ils posent des appareils miniaturisés sur leur dos, pour enregistrer la pression (profondeur des plongées), la température de l'eau et l'accélération (quand le manchot rencontre une proie, il se met à battre des ailerons avec une fréquence plus soutenue, ce qui entraîne une accélération détectable par l'appareil).

Les chercheurs ont découverts qu'en 2005, une année à tendance La Niña, où il y a le moins d'orages et où le mélange des eaux de surface est faible, la température de l'eau chute brutalement, aux alentours de 20-25 mètres de profondeur. On parle alors de thermocline. Cela correspond aux endroits où les manchots rencontrent le plus de barracoutas, des poissons pélagiques qui sont leurs proies favorites. Au contraire, l'année 2006, une année à tendance El Niño, la colonne d'eau était relativement homogène à la suite de plusieurs orages violents. Les manchots pygmées rencontraient moins de proies, mais surtout, celles-ci étaient dispersées dans toute la colonne d'eau: il n'y avait pas de profondeur préférentielle.

Il semblerait donc que les thermoclines, même à de faibles profondeurs, jouent un rôle important dans les écosystèmes côtiers et concentrent les proies dans une zone bien définie de la colonne d'eau. Ces résultats jettent une lumière nouvelle sur la dynamique des chaînes alimentaires des écosystèmes lorsque les paramètres climatiques changent.