Source: CNRS

Les spécialistes se le tenaient pour dit: lorsque l'on refroidit ou que l'on comprime de l'eau salée, elle forme un cristal dont toutes les impuretés sont évacuées. Autrement dit, la glace salée ne peut exister. Pour s'en convaincre, il suffit de congeler de l'eau salée: au centre du glaçon se trouve un petit volume opaque qui contient les sels rejetés. Cette certitude, les chercheurs de l'Institut de minéralogie et de physique des milieux condensés (IMPMC), à Paris, de l'Institut Paul Scherrer, en Suisse, et de l'Institut Laue-Langevin (ILL), à Grenoble, viennent de la faire voler en éclats. Ils sont en effet parvenus à synthétiser un cristal de glace contenant une importante concentration de sels. Une découverte qui pourrait avoir des implications importantes en planétologie.

Plus précisément, la glace dont il s'agit là n'est pas celle que l'on trouve dans un réfrigérateur. Mais une phase solide de l'eau obtenue sous des pressions supérieures à 20 000 bars, appelée "glace VII". Comme le précise Stefan Klotz, à l'IMPMC, "sous haute pression, l'eau présente une quinzaine de phases cristallines différentes qui se distinguent par la manière dont les molécules d'eau s'organisent les unes par rapport aux autres".

Pour parvenir à intégrer des sels (sous forme d'ions) dans cet édifice, les scientifiques ont imaginé l'expérience suivante. Ils ont d'abord refroidi rapidement à – 200 °C de l'eau chargée en chlorure de lithium. Dans ces conditions, les molécules n'ont pas le temps de former un cristal et restent comme figées dans les positions qu'elles occupaient en phase liquide. Ce solide désordonné a ensuite été comprimé jusqu'à 40 000 bars avant d'être réchauffé lentement. "Les molécules sont alors libres de bouger, mais très peu. Si bien que le cristal qui en résulte incorpore les ions lithium et chlorure au sein de cavités de sa structure microscopique", explique le physicien. Qui poursuit: "Nous imaginons qu'une très grande variété de glaces salées puisse exister. En particulier incorporant du chlorure de sodium (le sel de cuisine), très abondant dans l'Univers."

Ainsi, des observations récentes ont montré que plusieurs corps du système solaire, tels les satellites Ganymède ou Titan, contiennent de la glace sous pression, ainsi que des sels. Si à la diversité des glaces pures connues, il faut désormais ajouter toute une liste de glaces salées encore à découvrir, le travail des planétologues qui cherchent à décrire la structure et les propriétés physico-chimiques de ces objets célestes risque bien de gagner en complexité.