Mais où est passée la petite bête ?
Par Benje le vendredi, septembre 18 2009, 20:04 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS
...sur les traces d'un charançon disparu
Lorsqu'ils ont commencé à étudier le contenu de carottes sédimentaires
prélevées à Crozet, un chapelet d'îles subantarctiques, Jean-David
Chapelin-Viscardi et Philippe Ponel, de l'Institut méditerranéen
d'écologie et de paléoécologie (Imep) à Aix-en-Provence, ne
s'attendaient pas à ce qu'un coléoptère inconnu leur révèle une page
d'histoire de l'archipel. Soit le témoignage d'un bouleversement
écologique survenu à la fin du XVIIIème siècle. Première surprise: les deux chercheurs observent, dans des sédiments
datés entre 1400 et 1800, des restes par dizaines d'un charançon
n'appartenant à aucune espèce connue. Or, comme le précise Philippe
Ponel, "lorsque l'on travaille sur des fossiles récents d'insectes, la
quasi-totalité des espèces observées dans les sédiments ont des
représentants actuels". En l'occurrence, non seulement l'espèce est
nouvelle, mais aussi le genre !
Pour en apprendre davantage, les deux entomologistes expédient les fragments de leur coléoptère, baptisé Pachnobium dreuxi, à Jean-François Voisin, au Muséum national d'histoire naturelle, à Paris.
Ce spécialiste des collections subantarctiques les compare alors avec
l'innombrable matériel entomologique ramené de Crozet au cours du XXème
siècle et dont une fraction importante n'a pas encore été étudiée de
près. C'est la deuxième surprise: il exhume deux spécimens complets qui
confirment que l'insecte n'a jusqu'alors jamais été décrit. "C'est
extrêmement rare de faire une découverte dans ce sens. D'abord sous
forme fossile et ensuite dans des collections entomologiques
contemporaines", s'enthousiasme Philippe Ponel.
Reste à comprendre comment un charançon dont les restes pullulent dans
les sédiments récents a presque totalement disparu aujourd'hui (à deux
spécimens près). Pour Philippe Ponel, "il faut probablement y voir la
conséquence de l'arrivée de l'homme sur Crozet, à la fin du XVIIIème
siècle". Découvert en 1772, l'archipel a en effet rapidement été occupé
par des pêcheurs accompagnés d'un cortège d'animaux domestiques. Une
hypothèse renforcée par le fait que les sédiments n'ont révélé aucune
modification climatique durant cette période.
Par ailleurs, Nathalie Van der Putten, au département de géographie de l'université de Gand, en Belgique, qui a extrait les sédiments, a montré que la disparition de Pachnobium dreuxi
coïncide non seulement avec des changements considérables dans les
populations d'autres espèces d'insectes, mais aussi avec la raréfaction
de certaines plantes, comme le chou des Kerguelen. "C'est la parfaite
illustration de l'extrême fragilité des écosystèmes insulaires qui, du fait de leur isolement, sont sensibles à la moindre modification", conclut Philippe Ponel.