Les examens de selles pour dépister les cancers colorectaux pourront-ils bientôt être remplacés par de simples prises de sang, mieux acceptées par les patients ? Dans le monde, plusieurs équipes, y compris françaises, s'attellent à de telles recherches. Lundi, la firme belge OncoMethylome Sciences a ainsi présenté des résultats cliniques encourageants de son test sanguin dans un congrès européen sur le cancer à Berlin.

En France comme dans de nombreux pays, le dépistage des tumeurs colorectales fait appel au test Hemoccult, qui recherche la présence de sang occulte (invisible à l'œil nu) dans les selles. Ses performances sont toutefois limitées : il peut rester négatif en présence de cancer, et être faussement positif (le diagnostic est alors éliminé par la coloscopie). Selon l e dernier bilan de l' Institut de veille sanitaire , la participation au programme national de dépistage, qui vise les 50-74 ans, est encore modeste : 42 % dans les 23 départements pilotes. La nouvelle génération de tests immunologiques, qui doit arriver à partir de 2010 en France, s'annonce beaucoup plus fiable, mais il s'agit toujours d'examens de selles, qui rebutent certaines personnes.

Le test d'OncoMethylome Sciences a pour objectif de détecter de faibles doses de deux gènes de méthylation (appelés SYNE1 et FOXE1) dans le sang. Ces deux gènes sont fortement liés au cancer colorectal et sont rarement présents chez des individus indemnes de ces tumeurs, justifient les chercheurs belges. La méthylation de l'ADN est un mécanisme de contrôle normal de l'expression des gènes. Mais une méthylation excessive de certains d'entre eux - tels les gènes suppressifs de tumeurs - est associée au dé­ve­loppement de cancers. Au total, l'étude menée par le Dr Joost Louwagie a inclus 686 témoins, et 193 individus porteurs d'un cancer colo-rectal. La sensibilité du test sanguin (nombre de malades correctement identifiés par l'examen) a été évaluée à 77 %, et sa spécificité (proportion de tests négatifs chez les non-malades), à 91 %. En comparaison, la sensibilité de l'Hemoccult est de l'ordre de 50 à 60 %. L'évaluation du test belge est cependant loin d'être terminée. Pour les chercheurs, la prochaine étape est de confirmer leurs résultats dans une population de 7 000 personnes participant à un programme de dépistage en Allemagne.

De fait, comme le confirment des spécialistes français, les données présentées au congrès de Berlin ne sont que préliminaires. «La sensibilité de leur test n'est pas très bonne pour les tumeurs de stade 1 et 2 (peu évoluées, NDLR)», souligne Guy Launoy (Inserm, Caen), à l'origine du test immunologique qui va remplacer l'Hemoccult.

Pronostic des tumeurs

Le chercheur français rappelle par ailleurs que la recherche de sang dans les selles, bien qu'imparfaite, a l'avantage de déceler aussi des lésions précancéreuses (polypes), qui peuvent être traitées. Surtout, pour Guy Launoy comme pour le Pr Iradj Sobhani (hépato-gastroentérologue à hôpital Henri-Mondor de Créteil), les résultats d'un test de dépistage ne sont interprétables que si celui-ci a été pratiqué… dans une population accédant au dépistage. Ce qui n'est pas le cas dans l'étude belge, qui a étudié un groupe de personnes déjà atteintes de cancer. «Dans le monde, plusieurs équipes dont la nôtre travaillent sur des tests de dépistage non fécaux, qui seraient les bienvenus en terme d'acceptabilité», continue le Pr Sobhani. Son propre test détecte également des gènes de méthylation ; dans le sang, les selles et/ou les urines. Sa sensibilité a été évaluée à 80 %, et sa spécificité à 96 %. «Une étude est prévue en 2010 dans quatre départements pour voir si ces performances se confirment dans les conditions d'un dépistage», précise encore Iradj Sohbani. De façon générale, la recherche de biomarqueurs est de plus en plus active en cancérologie, pour dépister, mais aussi pour prédire le pronostic des tumeurs et leur réponse aux traitements. Un test sanguin de dépistage du cancer bronchique par des anticorps monoclonaux, mis au point par la firme française Biosystems International, est ainsi en cours de tests cliniques.