L'accroissement de l'es­pérance de vie s'arrêtera-t-il un jour ? Dans les pays développés, celle-ci augmente en moyenne de trois mois chaque année depuis cent soixante ans. Mais, si l'on en croit une analyse publiée dans le dernier numéro de Journal of Population Ageing , l'avenir pourrait réserver des surprises. «Le débat sur la dynamique de la longévité humaine n'a jamais été aussi ouvert», soulignent Sarah Harper et Kenneth Howse, de l'Université d'Oxford, dans cet article qui recense les multiples facteurs influençant la longévité humaine. Plusieurs spécialistes se demandent, par exemple, si, dans des pays comme les États-Unis où l'obésité est une véritable épidémie, l'espérance de vie ne pourrait pas diminuer dans les prochaines décennies.

En 1840, les Suédoises arrivaient en tête avec une longévité moyenne de 45 ans. Cette place est tenue aujourd'hui par les Japonaises avec une espérance de vie proche de 85 ans. En deux siècles, selon le démographe James Riley, la longévité humaine globale a beaucoup plus que doublé pour les hommes (elle est passée en moyenne de 25 ans à 65 ans) et presque triplé pour les femmes (de 25 à 70 ans).

Rien ne dit que cette tendance va se prolonger indéfiniment. La question est pourtant importante. En effet, le vieillissement des populations conditionne toutes les politiques publiques, aussi bien le calcul de l'âge de la retraite que l'organisation du système de santé voire l'aménagement des réseaux de transports afin de prolonger l'autonomie des personnes âgées.

Les experts ont appris à se montrer prudents. Dans les années 1920, Louis Dublin, l'un des meilleurs statisticiens de l'époque, estimait que l'espérance de vie maximum des Américains ne pourrait jamais dépasser 64 ans. Ce plafond physiologique a explosé. En mai 2009, le Gerontology Research Group recensait dans le monde pas moins de 200 000 supercentenaires, des personnes ayant dépassé 110 ans.

Avant les années 1950, l'accroissement de l'espérance de vie est généralement attribué à la réduction de la mortalité infantile. Après, il s'explique par l'augmentation du niveau de vie ainsi que toute une série de progrès en matière de salubrité, de nutrition, d'éducation, d'hygiène et de médecine. Le principal risque lié au mode de vie au cours du XXème siècle a d'abord été le tabac. «Les autres risques dans les pays riches sont une mauvaise alimentation, le manque d'exercice physique et la consommation ex­cessive d'alcool», relèvent Sarah Harper et Kenneth Howse.

Les chercheurs anglais rappellent que l'espérance de vie varie selon le niveau socio-économique. Mais sur ce point aussi, il faut aussi se méfier des idées toutes faites. Une étude publiée hier dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences américaine montre en effet que, durant la Grande Dépression qui a frappé les États-Unis en 1929, la longévité des Américains a fait un bond inattendu (Pnas, 29 septembre 2009). Elle est passée de 57 ans en moyenne en 1929 à un peu plus de 63 ans en 1932. À l'inverse elle a diminué au cours des périodes de forte expansion économique avant la Grande Dépression et en 1936-1937. Pour les deux auteurs de l'étude, José Tapia Granados et Ana Diez Roux, de l'Université du Michigan, cette embellie pourrait notamment s'expliquer par une baisse de la consommation d'alcool et de tabac due au chômage ainsi qu'une diminution de la pollution industrielle.

Les femmes ont une espérance de vie supérieure à celle des hommes. Mais si l'on regarde de plus près, le statut marital des deux sexes crée aussi des différences. «Les personnes mariées ont tendance à vivre plus longtemps que les célibataires qui sont logés à meilleure enseigne que les divorcés ou les veufs», écrivent les auteurs. En terme de longévité, le mariage bénéficie plus à l'homme qu'à la femme.