Notre œil voit d'abord en gros
Par Benje le mercredi, octobre 14 2009, 17:10 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS
Lorsque l'on voit un être vivant ou un objet, le reconnaît-on d'abord finement en tant que chien, voiture ou table pour ensuite le mettre dans une catégorie plus large – animal, véhicule, meuble – ou inversement ? Depuis 1976 et les travaux de la psychologue américaine Eleanor Rosch, il était admis qu'un objet était d'abord catégorisé au niveau de base comme "chien", "voiture" ou "table" avant qu'un concept plus abstrait "animal", "véhicule" ou "meuble" ne puisse se former. Cette capacité d'abstraction était même considérée comme spécifique de l'humain, l'animal n'ayant pas accès à ce type de concept. Or, surprise, dans une étude récemment publiée des chercheurs du Centre de recherche cerveau et cognition (Cerco), à Toulouse, ont montré qu'en fait... c'est l'inverse ! "Nos données montrent que celles de 1976 ont été trop vite généralisées au système visuel", souligne Michèle Fabre-Thorpe, directrice du Cerco et co-auteur de l'étude.
C'est que les résultats de l'équipe d'Eleanor Rosch
et de ceux qui les ont reproduits ensuite ont été obtenus lors de tests
où des volontaires devaient désigner des objets par leur nom. Or ces
expériences où l'accès au vocabulaire, et donc au système du langage,
était crucial pouvaient masquer le fonctionnement du seul système
visuel.
Les chercheurs du CNRS ont placé dix-huit volontaires dans des
conditions où ils devaient, non pas répondre oralement, mais réagir le
plus vite possible avec le doigt en relâchant un bouton quand ils
voyaient une image contenant la cible qu'on leur demandait de chercher
(un chien, un oiseau, un animal, etc.). Les images n'étaient affichées
que pendant 26 millisecondes (ms) pour les encourager à agir encore
plus vite, le seuil de perception des humains étant de près de 25 ms.
Résultat ? Les volontaires ont été en moyenne plus rapides d'une
quarantaine de millisecondes à relâcher le bouton lors de la recherche
d'une catégorie large comme un animal, par rapport à la recherche d'une
catégorie plus fine comme un chien ou un oiseau. D'où la conclusion que
notre système visuel construit d'abord une représentation grossière
avant de pouvoir la détailler. "Il est plus logique que notre système
visuel catégorise grossièrement dans un premier temps car au départ il “voit” juste une image rudimentaire et floue de la
scène. Alors, il n'a pas eu le temps de traiter beaucoup d'informations
visuelles", termine Michèle Fabre-Thorpe.