Source: CNRS

Des interactions sociales positives existent chez les drosophiles: quand elles sont en groupe, ces mouches se souviennent mieux que lorsqu'elles sont isolées. L'équipe de Thomas Preat du laboratoire de neurobiologie (CNRS / ESPCI ParisTech) vient de mettre en évidence ce phénomène grâce à des tests sur la mémoire olfactive. Ces travaux, publiés dans la revue Current Biology du 13 octobre 2009, ouvrent de nouvelles voies d'investigation pour comprendre le rôle de l'environnement social sur la modulation du souvenir et la prise de décision.

Chez un grand nombre d'espèces animales, les individus tirent des avantages de la vie sociale en observant leurs congénères. Ils sont notamment capables d'adapter leur comportement face à des situations diverses telles que la recherche alimentaire ou la défense face à un prédateur. L'équipe de Thomas Preat du laboratoire de neurobiologie (CNRS / ESPCI ParisTech) s'est intéressée au comportement des mouches drosophiles (petites mouches aux yeux rouges, sont capables de comportements sophistiqués; elles présentent notamment une dynamique complexe des systèmes de mémoire, similaires à celle observée chez les mammifères) lors de tests sur la mémoire olfactive et aux effets potentiels des interactions entre individus.

Dans leurs expériences, les neurobiologistes ont présenté à un groupe de mouches drosophiles, homogènes d'un point de vue génétique, une odeur associée à de petits chocs électriques. Après ce conditionnement (conditionnement pavlovien des animaux qui consiste à créer chez eux des réflexes, des automatismes comportementaux), les scientifiques ont effectué des tests de mémoire olfactive chez ces mouches soit de manière individuelle soit en groupe. La mémoire a été évaluée par la capacité des mouches à éviter l'odeur préalablement associée au stimulus désagréable, par exemple 24 ou 48 heures après le conditionnement. Cette étude a montré que les drosophiles présentent une mémoire moins performante quand elles sont testées individuellement que lorsqu'elles sont en groupe. Or, les mouches isolées ont une plus faible mémoire non pas parce qu'elles ne se souviennent pas mais parce qu'elles ont du mal à faire ressortir l'information. De plus, il ne suffit pas à une mouche préalablement conditionnée d'être placée dans un groupe pour que sa mémoire soit améliorée. Il faut que ce groupe ait été lui-même conditionné pour pouvoir produire des interactions à l'origine de cette facilitation du souvenir.

L'hypothèse formulée est que les mouches conditionnées émettent lors du test (c'est à dire en présence de l'odeur qui représente un danger potentiel) un signal d'alarme qui stimule l'attention des mouches environnantes et favorise le rappel de leur mémoire. Chez le rat, plusieurs centres nerveux comme les amygdales ou certaines hormones de stress comme l'adrénaline jouent un rôle de modulateurs sur ce rappel. Ces travaux menés chez la drosophile ouvrent de nouvelles pistes de recherche sur la modulation du souvenir et de la prise de décision en fonction de la perception de l'environnement social, des émotions ou du stress.