Mémoire sociale chez les drosophiles
Par Benje le jeudi, octobre 15 2009, 20:01 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS
Des interactions sociales positives existent chez les drosophiles:
quand elles sont en groupe, ces mouches se souviennent mieux que
lorsqu'elles sont isolées. L'équipe de Thomas Preat du laboratoire de
neurobiologie (CNRS / ESPCI ParisTech) vient de mettre en évidence ce
phénomène grâce à des tests sur la mémoire olfactive. Ces travaux, publiés dans la revue Current Biology du 13
octobre 2009, ouvrent de nouvelles voies d'investigation pour
comprendre le rôle de l'environnement social sur la modulation du souvenir et la prise de décision.
Chez un grand nombre d'espèces animales, les individus tirent des
avantages de la vie sociale en observant leurs congénères. Ils sont
notamment capables d'adapter leur comportement face à des situations
diverses telles que la recherche alimentaire ou la défense face à un prédateur. L'équipe de Thomas Preat
du laboratoire de neurobiologie (CNRS / ESPCI ParisTech) s'est
intéressée au comportement des mouches drosophiles (petites mouches aux yeux rouges, sont capables de
comportements sophistiqués; elles présentent notamment une dynamique
complexe des systèmes de mémoire, similaires à celle observée chez les
mammifères) lors de tests sur la mémoire olfactive et aux effets potentiels des interactions entre individus.
Dans leurs expériences, les neurobiologistes ont présenté à un groupe
de mouches drosophiles, homogènes d'un point de vue génétique, une
odeur associée à de petits chocs électriques. Après ce conditionnement (conditionnement pavlovien des animaux qui consiste à créer chez eux des réflexes, des automatismes comportementaux),
les scientifiques ont effectué des tests de mémoire olfactive chez ces
mouches soit de manière individuelle soit en groupe. La mémoire a été
évaluée par la capacité des mouches à éviter l'odeur préalablement
associée au stimulus désagréable, par exemple 24 ou 48 heures après le conditionnement. Cette étude a montré que les drosophiles
présentent une mémoire moins performante quand elles sont testées
individuellement que lorsqu'elles sont en groupe. Or, les mouches
isolées ont une plus faible mémoire non pas parce qu'elles ne se
souviennent pas mais parce qu'elles ont du mal à faire ressortir
l'information. De plus, il ne suffit pas à une mouche préalablement
conditionnée d'être placée dans un groupe pour que sa mémoire soit
améliorée. Il faut que ce groupe ait été lui-même conditionné pour
pouvoir produire des interactions à l'origine de cette facilitation du
souvenir.
L'hypothèse formulée est que les mouches conditionnées émettent lors du test (c'est à dire en présence de l'odeur qui représente un danger potentiel) un signal d'alarme qui stimule l'attention des mouches environnantes et favorise le rappel de leur mémoire. Chez le rat, plusieurs centres nerveux comme les amygdales ou certaines hormones de stress comme l'adrénaline jouent un rôle de modulateurs sur ce rappel. Ces travaux menés chez la drosophile ouvrent de nouvelles pistes de recherche sur la modulation du souvenir et de la prise de décision en fonction de la perception de l'environnement social, des émotions ou du stress.