Transports, travail, restaurants, grandes surfaces... Nos oreilles sont sans cesse mises à rude épreuve. Considéré comme la première source de nuisance par les Français, le bruit commence seulement à être reconnu comme un véritable problème de santé publique.

Seine-Saint-Denis, dans la nuit du 10 octobre, un homme excédé par le bruit tue ses quatre voisins avant de se suicider. Folie passagère? Peut-être, mais ce triste fait-divers reflète les extrémités auxquelles le bruit peut conduire. Pollution invisible et difficilement quantifiable, les nuisances sonores font chaque année des victimes. Si les troubles liés au voisinage ou aux aéroports font régulièrement la Une, les conséquences des bruits quotidiens sont méconnues. Et pourtant, selon Alain Muzet, physiologiste et spécialiste du bruit, le risque est bien présent: "Quand un son est émis, cela entraîne une mini-agression qui accélère le coeur et élève la pression artérielle. La répétition de ce phénomène peut être dangereuse à long terme car elle provoque hypertension, troubles cardiaques et du sommeil, voire dépression."

Un enfer au quotidien

En France, dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, 60% des personnes se plaignent de l'exposition au bruit. Pourtant, très peu d'études ont été réalisées sur le sujet. Jean-Marie Cohen, responsable du projet Bruit et Santé pour le cabinet d'étude Open Rome, fait figure de pionnier en la matière. Pendant huit jours, il a mesuré l'exposition au bruit de 30 Franciliens. Heure par heure, un petit dosimètre placé sur les participants a traqué chaque décibel: le résultat est inquiétant. Laura subit chaque jour des pics sonores allant jusqu'à 110 décibels, soit l'équivalent du bruit produit par une discothèque. Des trajets en RER aux couloirs de l'hôpital, le quotidien de cette infirmière est envahi par le bruit. Pour Julien, un lycéen de Seine-et-Marne, la situation n'est guère plus réjouissante. Au cours de sa journée, le niveau sonore moyen est de 80 dB, seulement 5 dB en dessous du seuil de risque. "Normalement, la moyenne devrait être de 60 à 65 dB. Pour les travailleurs, le niveau est limité à 85 dB sur 8 heures. Au-delà, ils doivent porter des protections auditives", s'inquiète Alain Muzet.

Un Européen sur cinq en danger

Dans un communiqué datant du 26 octobre, l'Agence européenne de l'environnement révèle que 50% des citadins européens sont soumis à un niveau de bruit excessif. De jour comme de nuit, l'impact des nuisances sonores sur la santé est encore largement sous-estimé. Selon une récente étude de l'OMS, en Europe, une personne sur cinq dort dans un environnement sonore supérieur à 55 dB. A ce niveau, les risques d'anxiété et de complications cardiaques sont largement accrus. A 47 ans, Béatrice est passée à deux doigts de la dépression à cause du bruit: "A force de dormir dans la chambre qui donnait sur la rue, j'étais hyperfatiguée. Je ne supportais plus le bruit. J'ai fini par dormir avec des boules Quiès pour ne pas péter les plombs!" raconte cette Parisienne. Pas étonnant, car au palmarès des villes les plus bruyantes, Paris arrive en troisième position, juste derrière Bratislava et Varsovie. Un nouveau défi de taille attend donc la capitale. Mais à quelques semaines de l'ouverture du Sommet de Copenhague sur le climat, la pollution sonore risque à nouveau d'être la grande oubliée de l'équation...