Par Anne Jeanblanc

Pour la première fois, une équipe de chercheurs de l'Inra de Toulouse vient de démontrer que l'exposition au bisphénol A (BPA) avait des conséquences négatives sur la fonction intestinale. Cette molécule, qui entre dans la composition de nombreux récipients alimentaires en plastique - notamment des biberons, mais aussi des boîtes de conserve pour aliments ou des canettes de boisson -, est capable de s'en extraire, spontanément à très faibles doses, et plus largement lorsque ces derniers sont chauffés. C'est pourquoi il est détecté dans les urines, le sang et le liquide amniotique d'une grande majorité de la population européenne.

L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) ont d'ailleurs défini une dose journalière acceptable de 0,05 mg/kg de poids corporel. Cette dose seuil a notamment été retenue, car cette molécule est toxique pour la reproduction et le développement chez l'animal de laboratoire. En effet, le BPA est capable de se lier aux récepteurs des oestrogènes, hormones sexuelles féminines, et de mimer leur action dans l'organisme. À ce jour, les études menées pour évaluer ses effets dans le corps humain ont principalement concerné la fonction de reproduction et le développement du cerveau.

Les chercheurs du laboratoire "Neurogastroentérologie et nutrition" de l'Inra de Toulouse montrent, pour la première fois, que l'appareil digestif du rat est très sensible aux faibles doses de BPA, affectant la perméabilité intestinale (et pouvant favoriser la "rétention d'eau" dans le corps), augmentant la sensibilité à la douleur viscérale et la prédisposition à développer des maladies inflammatoires de l'intestin. Ils dévoilent également comment l'exposition prénatale et postnatale de ces animaux peut freiner le développement des défenses immunitaires intestinales, altérant ainsi leur capacité à reconnaître, plus tard, des substances potentiellement nocives pour l'organisme. Ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives dans l'évaluation du risque d'exposition aux perturbateurs endocriniens. Tous les résultats sont publiés en ligne sur le site de l'Académie des sciences américaines, dans l'édition du 14-18 décembre 2009.