Les chercheurs du CNRS et de l'Université  Paul Sabatier à Toulouse ont travaillé sur la perception visuelle et le décalage entre perception inconsciente et consciente. Ils montrent qu'un décalage d'au moins 1/10e de seconde existe entre un stimulus visuel et sa perception consciente, en plus de temps de latence induit par la seule conduction de l'information jusqu'au cortex visuel. Cette étude est publiée le 15 décembre dans la revue Current biology.

Les chercheurs ont utilisé un phénomène appelé "Motion-induced blindness" que l'on pourrait traduire par "cécité induite par le mouvement". Sur un écran, on fait apparaître un anneau jaune et un arrière-plan constitué d'un motif répétitif (par exemple un quadrillage ou des croix régulièrement espacées) qui tourne sur lui-même. Bien que l'anneau jaune soit toujours présent à l'écran, l'observateur humain a l'impression qu'il disparaît de temps à autre pendant des durées pouvant aller jusqu'à plusieurs secondes. Lorsque cela se produit, on lui demande d'appuyer sur un bouton ; quelques dixièmes de seconde plus tard, un flash de lumière apparaît (sous la forme d'un point jaune au milieu de l'anneau). Ce flash provoque la réapparition de l'anneau à la conscience de l'observateur (phénomène qui était déjà connu des chercheurs).

Rufin VanRullen et ses collègues, du Centre de recherche cerveau et cognition (CNRS/Université Paul Sabatier) à Toulouse, ont montré que l'observateur a pourtant l'impression de voir revenir l'anneau avant l'apparition du flash lumineux: une inversion de la relation causale se produit. Alors que c'est le flash qui provoque la réapparition de l'anneau, l'observateur a l'impression de voir l'anneau avant de voir le flash, avec un décalage d'environ 100 millisecondes. De la même façon que l'on n'explique pas l'illusion de "motion-induced blindness", avec laquelle les chercheurs ont travaillé, cette perception visuelle "en différé" demeure mystérieuse. Mais les chercheurs constatent, de façon contre-intuitive, que la perception consciente du flash de lumière a été retardée. Cette différence montre qu'un délai est nécessaire à l'établissement d'une nouvelle perception consciente, au-delà des latences induites par la seule conduction de l'information jusqu'au cortex visuel.