Les biofilms: découverte d'un nouveau mode de propagation des virus
Par Benje le dimanche, décembre 27 2009, 16:02 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS
Des chercheurs de l'Institut Pasteur et du CNRS viennent pour la
première fois de démontrer que certains virus sont capables de se
regrouper pour constituer des structures complexes similaires aux
biofilms bactériens. Ces formations, qui assureraient une protection
des virus face au système immunitaire, leur permettent une
dissémination très efficace de cellule à cellule. Les "biofilms viraux"
constitueraient un mode de propagation majeur pour certains virus. Ils
apparaissent donc comme de nouvelles cibles thérapeutiques
particulièrement intéressantes.
Des chercheurs de l'Institut Pasteur et du CNRS dirigés par
Maria-Isabel Thoulouze et Andrés Alcover, au sein de l'unité de
Biologie cellulaire des lymphocytes, en collaboration avec Antoine
Gessain de l'unité d'Epidémiologie et physiopathologie des virus
oncogènes, et avec l'Imagopole, viennent de mettre en évidence, pour la
première fois dans le monde viral, des structures de types "biofilms",
formées par le rétrovirus HTLV-1 à la surface des cellules qu'il infecte. Il s'agit d'agrégats de virus et de matrice
extracellulaire riche en sucres, sécrétée par la cellule, et dont la
synthèse est commandée par le génome du virus, intégré dans le génome
cellulaire.
Le virus HTLV-1 (virus de la leucémie humaine des cellules T du type 1)
est le premier rétrovirus humain à avoir été isolé, en 1980, trois ans
avant la découverte du VIH, rétrovirus responsable du sida. Il infecte
quinze à vingt millions de personnes dans le monde, et est à l'origine
de pathologies diverses, de la leucémie/lymphome T de l'adulte à des
formes de neuromyélopathie (paraparésie spastique tropicale) ou à
d'autres syndromes inflammatoires chroniques, comme les dermatites
infectieuses, des uvéites ou des myosites. On savait déjà que la
transmission de ce virus dans l'organisme de l'hôte infecté se faisait
uniquement par contact de cellule en cellule, mais le mécanisme de
cette transmission restait encore inexpliqué.
Au sein du biofilm, véritable manteau protecteur et adhésif, HTLV-1 se
transmet beaucoup plus efficacement qu'à l'état libre et unitaire. En
éliminant le biofilm viral de la surface des cellules infectées, les
chercheurs ont en outre réduit de 80% le taux d'infection, soulignant
ainsi l'importance que représente ce mode de transmission pour HTLV-1.
Chez les bactéries, les biofilms sont déjà connus depuis longtemps. Sur
l'émail de nos dents, ils forment la plaque dentaire. On en trouve
également dans les installations industrielles, au sein de notre propre
flore intestinale. Lorsqu'ils colonisent les implants médicaux, comme
les prothèses ou les cathéters, ils peuvent être source d'infections à
répétition. Pour ces raisons, les biofilms bactériens font l'objet de
nombreuses recherches visant à limiter leur développement et à les
rendre perméables aux traitements anti-bactériens.
Les scientifiques cherchent à présent à caractériser les mécanismes de
production de ces biofilms viraux, et à déterminer si d'autres virus
que HTLV-1 forment de telles structures. Pour les virus formant de tels
biofilms, il serait intéressant de redessiner des stratégies
thérapeutiques anti-virales, qui viseraient non seulement le virus
lui-même, mais la formation de ces biofilms viraux.