La prise en charge de la sclérose en plaques (SEP) connaît depuis près de quinze ans une véritable révolution thérapeutique initiée avec les interférons et qui se poursuit avec l'évaluation permanente de nouveaux médicaments. Ce mercredi, le site Internet du New England Journal of Medicine a publié les résultats de trois essais thérapeutiques avec deux molécules différentes, ayant en commun un mécanisme d'action similaire et un usage par voie orale. Avec deux ans de recul, ces produits, qui ne sont pas encore sur le marché, permettraient de réduire la fréquence des poussées (ou crises) de SEP ainsi que le niveau du handicap. Tout le problème réside dans les effets secondaires, loin d'être négligeables mais pas forcément ingérables.

La sclérose en plaques est une maladie relativement fréquente (un adulte sur 1.000 est touché), avec une évolution très variable d'un individu à l'autre. Caractérisée par une destruction des gaines de myéline qui entourent les fibres nerveuses du cerveau, elle évolue au départ souvent par poussées (mais pas toujours) et se traduit par des troubles de gravité variable, bénins pour les uns, gravement handicapants pour d'autres. C'est une maladie considérée comme auto-immune : une réaction inflammatoire d'origine immunitaire expliquant la destruction de la myéline. D'où la mise au point de médicaments visant à bloquer le système immunitaire pour empêcher le développement de la maladie, comme ceux publiés mercredi.

Évaluer le rapport bénéfice/risque

Le premier de ces trois essais thérapeutiques porte sur 1.326 patients chez qui un diagnostic de sclérose en plaques a été porté. La moitié d'entre eux a reçu de la Cladribine par voie orale à différentes doses et l'autre moitié un placebo (une substance neutre dénuée de toute activité), le tout pendant deux ans. L'objectif était de comparer dans les deux groupes, le nombre de poussées de la maladie et la progression du handicap, tout en évaluant, bien sûr, les effets secondaires. La Cladribine bloque de manière sélective certains lymphocytes impliqués dans les réactions inflammatoires et immunitaires.

Les résultats dévoilent que pour les patients bénéficiant du médicament le taux de poussées est de 0,14 par an contre 0,33 pour ceux sous placebo. Près de 79% de patients n'ont pas eu de poussées pendant la durée de l'essai avec le médicament contre 60% avec le placebo. De plus l'imagerie cérébrale affichait un moindre taux de lésions pour les patients bénéficiant de la molécule active. Enfin la progression du handicap (difficile à apprécier clairement sur deux ans) est apparue un peu plus faible avec la Cladribine qu'avec le placebo. Mais comme tous les médicaments immunosuppresseurs, les effets secondaires ne sont pas négligeables. Ainsi, si le taux de décès au bout de deux ans est similaire dans les deux groupes, le taux d'infection et de cancer apparaît un peu plus élevé avec le médicament qu'avec le placebo, rançon du blocage, même partiel, de l'immunité.

Le second essai porte sur une autre molécule également administrée par voie orale, le Fingolimod. Cet immunosuppresseur sélectif a été testé pendant deux ans sur 1.033 patients. Les résultats sont quasiment similaires à ceux obtenus avec la Cladribine, avec nettement moins de poussées et une progression plus limitée du handicap. Le seul problème reste les effets secondaires notamment infectieux, mais aucun cas de cancer supplémentaire n'a été observé. Une troisième étude comparant le Fingolimod par voie orale à l'interféron par voie intraveineuse (le traitement de référence classique) a révélé au bout d'un an la supériorité du premier sur le second en terme de réduction des poussées, mais avec des effets secondaires plus importants que l'interféron.

«On voit depuis quinze ans apparaître des nouvelles molécules qui se succèdent et qui chaque fois franchissent une petite marche en terme d'efficacité, se réjouit le Pr Catherine Lubetzky, neurologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris). Maintenant, il faut évaluer avec précision le rapport bénéfice/risque de ces nouveaux médicaments avant qu'ils ne soient utilisés en pratique courante. Enfin, il faut mettre aussi un petit bémol car, pour l'instant, ces molécules sont efficaces uniquement dans les formes avec poussées, mais pas pour celles dites progressives.»