Entre 2005 et 2006, près de 300.000 cas de chikungunya - une maladie transmise par des moustiques du genre Aedes - ont été recensés sur l'île de La Réunion, ce qui correspond à 38 % de la population. Près de 2.200 patients ont dû être hospitalisés et 250 sont décédés. À ce jour, il n'existe aucun vaccin ou traitement spécifique. D'où l'intérêt des travaux effectués par des chercheurs du CEA , de l'université Paris-Sud 11, de l'Inra et de l'École nationale vétérinaire de Nantes-Oniris : ils viennent de décrypter certains mécanismes de mise en place de l'infection par le chikungunya. Ces découvertes, publiées en ligne par le Journal of Clinical Investigation , ouvrent des pistes pour le développement de thérapies, préventives et curatives, contre cette pathologie.

Comprendre la manière dont cette maladie se développe chez l'homme est particulièrement difficile, précisent les chercheurs. D'une part parce qu'il est impossible d'obtenir des échantillons de tissus profonds (foie, rate...) dans lesquels le virus se multiplie, d'autre part en raison de la fréquence des antécédents médicaux et des affections chroniques dont souffrent les patients. Car les cas les plus sévères surviennent surtout chez des sujets âgés et fragilisés par d'autres problèmes de santé. Comment, alors, caractériser les interactions du virus avec les cellules de l'hôte dans les tissus, identifier les mécanismes de défense mis naturellement en place et discriminer les atteintes dues spécifiquement au virus et celles liées à d'autres pathologies ?

Pour le savoir, les chercheurs ont développé un modèle de la maladie chez des macaques cynomolgus, dont le système immunitaire et la physiologie sont très similaires à ceux de l'homme. Ils ont montré que ces animaux, infectés par le virus du chikungunya isolé chez les patients au cours de l'épidémie dans l'île de La Réunion, présentaient toutes les caractéristiques observées chez l'homme. Mais leur découverte la plus marquante est le fait que ce virus infecte, notamment, des cellules impliquées dans les premières étapes des mécanismes de défense de l'organisme. Ces dernières peuvent l'héberger plusieurs mois et infiltrer des tissus comme les articulations, les muscles ou encore le foie. D'où les symptômes typiques de cette maladie, comme les douleurs musculaires et articulaires très invalidantes observées à long terme chez les patients.