Non seulement la cellule dispose de mécanismes lui permettant de survivre dans des conditions a priori néfastes mais, en plus, elle peut choisir sa façon de mourir. Ce choix - le "suicide programmé" ou la nécrose - a de multiples conséquences, car les dérèglements dans les processus de mort cellulaire sont au cœur de nombreuses maladies. En pratique, si elle est trop endommagée, la cellule peut s'autodétruire. Les spécialistes parlent d'apoptose. Mais les cellules cancéreuses font la sourde oreille aux signaux censés déclencher leur suicide. Le dérèglement de ce mécanisme participerait aussi au développement du sida. À l'inverse, quand la mort des neurones est accélérée, des maladies neuro-dégénératives comme celles d'Alzheimer, de Parkinson ou de Huntington peuvent apparaître.

À l'Institut Curie, l'équipe Inserm dirigée par Emmanuel Barillot vient d'établir un modèle mathématique prédisant la décision des cellules face à une situation où elles peuvent soit vivre, soit mourir. Ses travaux sont publiés dans PLoS Computational Biology du 5 mars. Elle montre que ces décisions cellulaires sont la résultante de cascades de protéines, d'activation ou de désactivation de voies de signalisation faisant intervenir une multitude de molécules et de réactions chimiques dans la cellule. "La représentation d'un seul de ces chemins conduisant la cellule à la mort se résume souvent par un réseau d'interactions entre des centaines de molécules, digne d'un plan de métro tentaculaire", notent les chercheurs.

D'où l'idée de recourir à des modèles mathématiques pour décortiquer cet univers extrêmement complexe. L'équipe a d'abord identifié les clés "moléculaires" orientant la cellule dans ses choix. Pour cela, un grand nombre de données de la littérature scientifique ont été répertoriées. Ensuite, des bio-informaticiens, biologistes et mathématiciens ont modélisé ce choix. Les chercheurs de l'Institut Curie peuvent désormais prédire ce que va faire une cellule dans telle ou telle situation. Va-t-elle décider de mourir ou survivre ? Et si elle meurt, le fera-t-elle par apoptose ou par nécrose ? Grâce à ce modèle, les chercheurs de l'Institut Curie vont pouvoir anticiper les choix de la cellule et établir des stratégies pour élaborer de nouveaux traitements.