Source: CNRS

Antoine Balzeau (chargé de recherche au CNRS -UMR 7194 Muséum national d'Histoire naturelle/CNRS- et co-auteur avec Sophie A. de Beaune, de "La Préhistoire" aux éditions Chroniques et CNRS) et Dominique Grimaud-Hervé (professeur en paléoanthropologie du Muséum national d'Histoire naturelle -UMR 7194 Muséum national d'Histoire naturelle/CNRS-), paléoanthropologues respectivement au CNRS et au Muséum national d'Histoire naturelle, viennent de reconstituer en trois dimensions l'empreinte du cerveau fossile de Cro-Magnon, l'un des plus anciens Homo sapiens européens grâce à la numérisation du crâne conservé au Musée de l'Homme.

Cro-Magnon, un "ancêtre" emblématique

Découvert en 1868 dans le fameux abri de Cro-Magnon, en Dordogne, qui contenait cinq squelettes (trois hommes, une femme et un enfant), le premier spécimen appelé Cro-Magnon 1 et conservé dans les collections du Musée de l'Homme, est le plus célèbre. Il s'agit d'un individu masculin, assez âgé et ainsi parfois surnommé le "vieillard". Il comprend en particulier un crâne presque complet. C'était la première fois qu'étaient observés des Homo sapiens fossiles et ils ressemblaient beaucoup aux hommes de l'époque. Ces fossiles ont tant marqué les esprits que le terme de "Cro-Magnon" est encore utilisé couramment pour désigner les hommes préhistoriques. Une datation récente des parures en coquillages perforés qui accompagnaient les restes humains indique qu'ils auraient environ 28 000 ans et font donc partie des plus anciens individus attribués à notre espèce, Homo sapiens, découverts sur le continent européen.

De nouvelles perspectives de recherche

Les méthodes d'imagerie ont récemment permis des avancées innovantes pour la préservation des collections, mais ont aussi ouvert de nouvelles perspectives en termes de présentation muséographique et d'analyses scientifiques. En effet, les fossiles originaux doivent être conservés dans des environnements parfaitement adaptés et leur manipulation doit être restreinte pour préserver ce patrimoine irremplaçable.

Ainsi, le crâne de Cro-Magnon 1 a été numérisé à l'aide d'un scanner médical. Les données obtenues ont permis d'observer un ensemble de structures anatomiques internes au crâne, et donc inaccessibles sur le fossile original. Il s'agit par exemple de la pneumatisation (les bulles d'air incluses dans les os) de la face ou de l'os temporal, des canaux semi-circulaires (ce sont les organes de l'équilibre), de l'épaisseur des os et de leur constitution (les os du crâne sont composés de trois couches différentes). Cette étude a aussi permis aux chercheurs de découvrir l'endocrâne de Cro-Magnon 1.

L'endocrâne correspond aux empreintes laissées par le cerveau sur la surface interne du crâne. Il reflète donc la forme et la taille des différentes parties du cerveau. Celui de Cro-Magnon 1 a été reconstruit virtuellement en 3 dimensions sur l'écran de l'ordinateur. Puis, grâce aux techniques de prototypage, il a été possible de produire un objet physique à partir de ce modèle virtuel, grâce à une collaboration avec la société Initial. Les scientifiques disposent maintenant d'un objet physique, représentant la forme et la surface du cerveau de Cro-Magnon 1. Son étude va permettre d'en apprendre plus sur les changements de forme du cerveau au sein de l'espèce Homo sapiens, depuis ses représentants européens les plus anciens jusqu'aux hommes actuels.