La pollution urbaine altère la fonction cardiaque: premiers résultats chez le rat sain
Par Benje le mercredi, mars 17 2010, 19:36 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS
L'exposition prolongée au monoxyde de carbone (CO),
dans des conditions mimant la pollution citadine, conduit chez le
rat sain à des modifications de la morphologie et de la fonction
cardiaque. Chez ces animaux, des mécanismes compensateurs sont mis en
place pour maintenir une activité cardiaque normale.
Cependant, ils seront plus vulnérables aux pathologies cardiaques. Ces
résultats, publiés le 15 mars 2010 dans la revue American Journal of
Respiratory and Critical Care Medicine par des chercheurs du CNRS et de l'Inserm, apportent les
preuves cellulaires, chez le rat, d'un effet direct de la pollution
urbaine sur la fonction cardiaque. Des travaux sont en cours pour
vérifier ces données chez l'Homme.
Les études épidémiologiques relient la pollution atmosphérique au
monoxyde de carbone (CO) de type urbain à des accidents
cardiovasculaires et un risque accru de mortalité cardiaque, notamment
chez des sujets fragilisés par une pathologie sous-jacente. Cependant,
chez les sujets sains, les effets du CO sont mal cernés et les
mécanismes cellulaires peu étudiés.
Des chercheurs CNRS au laboratoire UMR-637 (Inserm/Université
Montpellier 1 & 2) ont, en collaboration avec des chercheurs de
l'Université d'Avignon, exposé des rats sains pendant 4 semaines à de
l'air pur ou à de l'air enrichi en CO (Groupe contrôle exposé à de l'Air pur ou sain: CO <1 ppm ;
groupe
CO exposé à de l'air enrichi en CO: 30 ppm avec 5 pics à 100 ppm par
période de 24 heures) à un niveau
reproduisant des conditions de pollution urbaine. L'objectif de cette
étude: évaluer les effets d'une pollution chronique au CO sur la
fonction cardiaque dans un modèle expérimental sain, à la fois in vivo,
par des échocardiographies et des électrocardiogrammes (ECG), et in
vitro, par la mesure de différents paramètres sur des cardiomyocytes
(cellules cardiaques).
Les résultats montrent que la pollution chronique au CO entraîne des
changements de la morphologie et de la fonction cardiaque. Chez les rats
du groupe CO, on observe en effet des différences au niveau du
ventricule gauche (Augmentation du rapport ventricule gauche (VG)/poids du
corps,
augmentation de la fibrose interstitielle et fibrose périvasculaire au
niveau du VG), ainsi que des signes de stress et de
remodelage cardiaque localisés. Au niveau cellulaire, les cardiomyocytes
présentent des défauts de contractilité et des troubles du rythme. Un
état «hyperadrénergique» modéré, révélateur d'un état de stress et connu
pour son implication dans le développement de l'hypertrophie cardiaque
et de la fibrose, de tachycardies, et de risques de mort subite
cardiaque, est également observé. Enfin, un dysfonctionnement des
échanges calciques dans les cardiomyocytes est également mis en
évidence, pouvant déclencher des extrasystoles et des tachycardies
ventriculaires à risque de mort subite.
Chez le rat sain, l'exposition chronique au CO conduit donc à des
altérations cellulaires observées classiquement dans l'insuffisance
cardiaque. Le phénotype in vivo, moins sévère, suggère que des
mécanismes compensateurs se mettent en place. "Annulant" les effets du
CO, ils permettent au myocarde de fonctionner normalement. Mais ils
placent les cellules cardiaques dans un état de stress chronique. Et si
un stress additionnel survient, comme un infarctus du myocarde, les
conséquences seront plus lourdes pour le coeur. Les deux mêmes équipes
(Avignon et Montpellier) viennent également de montrer que l'exposition
chronique au CO augmente de manière très significative les dommages
cardiaques induits par un infarctus du myocarde.
Au niveau du diagnostique, si ces résultats sont potentiellement
extrapolables à l'Homme, cette étude montre que les effets néfastes de
la pollution au CO seraient difficiles à détecter par des investigations
cliniques de routine comme l'échocardiographie ou les enregistrements
ECG courts, car ils sont surtout observés dans des conditions de stress
et au niveau cellulaire. Des résultats préliminaires semblent néanmoins
montrer que chez l'Homme sain, après un test d'effort, il existe une
corrélation entre le taux de carboxy-hémoglobine dans le sang,
représentatif du CO atmosphérique analysable par une simple prise de
sang, et la survenue d'évènements arythmiques.
Les recherches en cours visent à voir dans quelles conditions et après
quelle durée d'exposition, les effets observés au niveau cellulaire
entraînent des effets pathologiques in vivo plus sévères chez l'animal,
puis chez l'Homme.