Des chercheurs viennent de montrer que le parasite Plasmodium vivax, l'un des principaux agents du paludisme, est capable d'infecter des populations considérées jusqu'à présent comme naturellement protégées contre lui du fait de leur groupe sanguin. Cette découverte inattendue remet en cause certaines stratégies de vaccination. De plus, elle inquiète les responsables de la santé sur la possibilité d'une progression du parasite P. vivax dans des régions du monde où il est actuellement absent. Ce travail, publié dans la revue PNAS, a été réalisé dans le cadre d'une collaboration internationale, impliquant des équipes malgaches et françaises de l'Institut Pasteur, ainsi que des chercheurs américains (Université de Cleveland, États-Unis).

Le paludisme tue dans le monde près d'un million de personnes par an. Il est dû à un parasite dont les deux principales espèces sont Plasmodium falciparum, très présent en Afrique, et Plasmodium vivax, majoritaire en Asie et en Amérique du Sud. Jusqu'à présent, il était admis que P. vivax ne pouvait pas infecter les personnes dont les globules rouges ne possédaient pas à leur surface une protéine particulière, appelée Duffy. Ces dernières étaient donc considérées comme naturellement protégées contre l'infection par P. vivax, ce qui peut expliquer l'absence de ce parasite en Afrique, où les populations sont exclusivement ou très majoritairement de groupe sanguin Duffy-négatif.

Or les chercheurs viennent d'apporter la preuve que ce récepteur Duffy n'est pas ou n'est plus indispensable à P. vivax pour infecter les globules rouges. Leur étude montre qu'à Madagascar, où les populations Duffy-positives d'origine indonésienne ou asiatique se sont mélangées avec les populations Duffy-négatives d'origine africaine, P. vivax infecte les globules rouges des personnes de groupe sanguin Duffy-négatif chez lesquelles il provoque des accès de paludisme. Le parasite aurait donc réussi à s'affranchir de sa dépendance au récepteur Duffy et à utiliser une autre voie, encore inconnue, pour infecter les humains. Ces travaux mettent donc à mal un dogme solidement établi depuis plus de 30 ans. Ils remettent également en cause les approches de recherche vaccinale qui prennent pour cible la protéine de surface du parasite se liant au récepteur Duffy.