Une nouvelle preuve de l'accélération de l'expansion de l'Univers
Par Benje le vendredi, mars 26 2010, 08:22 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS
Une collaboration européenne, à laquelle participent trois chercheurs de l'Institut d'astrophysique de Paris (CNRS / UPMC, OSU/INSU -Observatoire des Sciences de l'Univers/Institut national des sciences de l'Univers du CNRS-), vient de confirmer, en utilisant l'effet de lentilles gravitationnelles, que l'Univers est en expansion accélérée. Les astronomes se sont appuyés sur les données du relevé COSMOS du téléscope NASA/ESA Hubble afin de cartographier précisément la zone du ciel couverte par le relevé. Cette carte tridimensionnelle leur a permis de tester certains aspects de la théorie de la relativité générale d'Einstein. Leurs résultats s'accordent avec l'hypothèse que la constante cosmologique, paramètre qui avait été postulé par Einstein dans ses équations, serait l'une des causes possibles de l'accélération de l'expansion de l'Univers. Ils vont être publiés en avril dans la revue Astronomy & Astrophysics.
Depuis les années 30, les astronomes ont acquis la conviction que seule
une faible fraction de la masse contenue dans l'Univers est constituée
de matière visible. Le reste serait une matière encore inconnue, la
"matière noire", qui n'absorberait, ni n'émettrait de la lumière, mais
qui interagirait néanmoins avec la matière classique à travers les
interactions gravitationnelles. Ainsi, les galaxies ne seraient que la
partie visible d'un iceberg constitué de matière noire. Comment faire
pour observer cette matière invisible ? Les astronomes profitent de l'effet
de lentille gravitationnelle, prédit par la
relativité générale d'Einstein. "Durant son voyage jusqu'à nous, la lumière émise
par les galaxies distantes voit son trajet légèrement perturbé par
l'influence de l'interaction gravitationnelle causée par la
matière alentour, y compris bien sûr la matière noire. Cette
perturbation déforme l'image des galaxies. Cette déformation peut être
mesurée et utilisée pour reconstruire une carte des interactions
gravitationnelles subies par la lumière sur son trajet, et donc de la
matière située entre nous et la galaxie observée", explique Martin
Kilbinger, chercheur à l'Institut
d'astrophysique de Paris.
Cette étude repose sur les données collectées sur 446 000 galaxies
observées dans le champ du relevé COSMOS. Il s'agit de la plus grande
campagne d'observation jamais menée par les astronomes à l'aide du
télescope Hubble. Ce relevé est constitué de l'assemblage de 575 prises
de vues de la même zone du ciel, à l'aide de l'Advanced Camera for
Survey (ACS), ce qui représente près de 1000 heures d'observation, soit 600 orbites du
télescope. "Le nombre de galaxies observées est considérable, mais la quantité d'information de grande qualité que
nous avons pu obtenir sur la partie invisible de l'Univers l'est encore
plus", souligne Tim Schrabback qui a piloté ce travail. En complément
des données recueillies par Hubble, les chercheurs ont aussi utilisé des
données acquises à l'aide de télescopes au sol afin de mesurer finement
la distance de 194 000 des galaxies étudiées. Grâce à ces mesures et à
de nombreuses innovations sur le traitement des données, les chercheurs
ont mesuré la déformation due aux effets de lentilles gravitationnelles.
Ils sont parvenus à reconstruire une carte tridimensionnelle de toute
la matière (y compris la matière noire) contenue dans la portion du ciel
observé par Hubble. "Sur cette carte, nous voyons la distribution de
matière évoluer dans le temps", précise William High de l'université d'Harvard. En effet, du fait
de la vitesse finie de la lumière, les structures de
la distribution de matière les plus lointaines sont aussi les plus
anciennes, tandis que celles plus proches de nous correspondent à des
structures plus contemporaines. C'est donc en comparant les structures
lointaines et proches que les chercheurs ont pu mesurer l'effet de
l'expansion sur la structuration de la matière dans l'Univers, et
apporter une nouvelle preuve de l'accélération de cette expansion. Cette
accélération, observée ces dernières années, est pour la première fois
confirmée en utilisant l'effet de lentille gravitationnelle seul. Les
chercheurs démontrent ainsi la validité et l'intérêt de cette méthode de
reconstruction tomographique.
De manière plus générale, ce travail a permis aux chercheurs de tester
deux concepts d'Einstein: la relativité générale et la constante
cosmologique, que lui-même nommait sa "plus grande bêtise". Les
résultats sont en accord avec ces deux concepts. Ils montrent que
l'effet de lentille gravitationnelle évolue en fonction de la distance
des galaxies exactement comme le prédit la relativité générale, et que
la constante cosmologique ou bien sa généralisation souvent nommée
"énergie sombre" sont très probablement la cause de l'accélération de
l'expansion de l'Univers. "Einstein avait finalement peut-être raison
d'introduire cette constante dans ces équations", conclut Tim
Schrabback.
La qualification statistique correcte de ce dernier résultat,
indispensable pour valider l'étude, a été obtenue grâce à des méthodes
d"exploration statistique développées au sein d'une collaboration soutenue par
l'Agence nationale pour la recherche (projet ANR-ECOSSTAT) et le
"Programme National Cosmologie et Galaxie" de l'INSU-CNRS, à laquelle
participent notamment des chercheurs de l'Institut d'astrophysique de
Paris et des mathématiciens français.