Un troisième sexe chez une espèce proche de l'olivier
Par Benje le jeudi, avril 1 2010, 19:36 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS
Un système de reproduction inconnu jusqu'à ce jour
chez une espèce proche de l'olivier, Phillyrea angustifolia L.
vient d'être découvert par des chercheurs du laboratoire de Génétique et
évolution des populations végétales et du Centre d'écologie
fonctionnelle et évolutive. Ce système explique chez cette espèce la
présence élevée d'individus mâles en mélange avec des
hermaphrodites. Ces hermaphrodites dont les fleurs portent les organes
mâles et femelles, se répartissent en deux groupes non distinguables
morphologiquement. Les plantes de chaque groupe sont stériles entre
elles mais sont complètement fertiles avec celles de l'autre groupe.
Dans ces conditions, le pollen des hermaphrodites ne peut féconder qu'un individu sur deux. En revanche, le pollen
des mâles peut féconder tous les hermaphrodites. Ainsi le désavantage
subit par les mâles est immédiatement compensé. Cette découverte montre
pour la première fois que le passage de l'hermaphrodisme à la dioécie (système où les sexes sont portés par des individus différents.)
est possible au cours de l'évolution. Ces travaux sont publiés dans la
revue Science.
Des chercheurs du laboratoire de Génétique et évolution des populations
végétales (CNRS/Université de Lille 1) et du Centre d'écologie
fonctionnelle et évolutive (CNRS/Université de Montpellier 1, 2 et
3/ENSA Montpellier/CIRAD/Ecole pratique des hautes études) ont
découvert, chez une espèce proche de l'olivier, Phillyrea
angustifolia L., un système de reproduction inconnu jusqu'à ce jour
caractérisé par des relations d'incompatibilité entre plantes
hermaphrodites. Ce nouveau mode de reproduction explique le mystère des
fréquences élevées (jusqu'à 50%) d'individus mâles en mélange avec des
individus hermaphrodites chez cette espèce. Les individus hermaphrodites
dont les fleurs portent les organes mâles et femelles, se répartissent
en deux groupes non distinguables morphologiquement. Les plantes de
chaque groupe sont inter-stériles (elles ne peuvent se féconder entre
elles) mais sont complètement fertiles avec celles de l'autre groupe.
Dans un tel système, une plante hermaphrodite ne peut féconder qu'un
hermaphrodite sur deux alors qu'un mâle peut féconder tous les
hermaphrodites de la population. Le handicap lié à la perte de la
fonction femelle chez les individus mâles (également appelés
femelle-stériles pour marquer ce désavantage) qui les conduit à ne
transmettre leurs gènes que par les gamètes mâles (et non par les
gamètes mâles et les gamètes femelles comme c'est le cas chez les
hermaphrodites) est immédiatement contrebalancé.
D'autre part, cette incompatibilité inter-hermaphrodites à deux groupes
morphologiquement identiques est peut-être un mode de reproduction clé, à
l'origine d'espèces à sexes séparés chez les plantes, via des systèmes
de reproduction "intermédiaires". En effet, dans le contexte général de
l'évolution des systèmes de reproduction à partir de l'hermaphrodisme
vers la dioécie (système où les sexes sont portés par des individus
différents), les systèmes mixtes chez lesquels on observe la présence
dans la même espèce de femelles et d'hermaphrodites (gynodioécie) ou la
présence de mâles et d'hermaphrodites (androdioécie) sont considérés
comme intermédiaires et dérivés de l'hermaphrodisme. Cependant, jusqu'à
présent, les exemples empiriques montraient tous que l'androdioécie
avait évolué à partir de systèmes dioïques grâce à l'acquisition d'une fonction mâle par les femelles et
non à partir des systèmes hermaphrodites via la perte de la fonction
femelle chez certains hermaphrodites. Ce travail montre pour la première
fois que le passage de l'hermaphrodisme à l'androdioécie (présence au sein des populations d'une même espèce d'individus
hermaphrodites et d'individus mâles.) est
possible.
Cette découverte, chez des plantes hermaphrodites d'un système
d'incompatibilité à seulement deux groupes non distinguables
morphologiquement est tout à fait inattendue. L'un des défis des
chercheurs est maintenant d'expliquer d'un point de vue fonctionnel le
maintien à deux du nombre de groupes d'incompatibilité.