Rédigée par Marc Rees le mardi 30 mars 2010

« Nos sociétés génèrent des masses toujours plus grandes d'information, alors que la durée de vie des supports numériques disponibles pour la conserver n'a jamais été aussi courte. » L’Académie des sciences a présenté son rapport sur la longévité des supports, qui sera publié le 9 avril. Objectif premier : sensibiliser les utilisateurs sur le thème de la sauvegarde, mais surtout de l’archivage, alors « qu’une grande quantité d’informations personnelles, médicales, scientifiques, techniques, administratives, artistiques, etc. est en réel danger de disparition ».

Selon le groupe PSN (pérennité des supports numériques) constitué d'experts au sein de l'Académie des sciences et l'Académie des technologies, les supports numériques ont une durée de vie de 5 ou 10 ans. Mais cette moyenne cache des délais nettement moins longs comme ces 8% de CD ou DVD qui sont inutilisables au bout d’un an seulement.

Le discours alarmistes - qui n'est pas neuf - tranche avec ce que les fabricants "vendaient" à  chaque innovation. Autre problème : plus la capacité est importante – un mouvement naturel – plus les supports sont fragiles. « L’évolution des supports étant difficile à prévoir, seul un suivi constant des données permet d’en assurer l’archivage, avec un coût d’organisation important » explique le groupe de chercheurs. Différentes stratégies sont discutées dans le rapport, la stratégie passive (on archive, on oublie), la stratégie active (la migration perpétuelle) ou encore la délégation à un prestataire de service, qui présente des coûts importants.

S’agissant des recommandations de l’Académie des sciences, celle-ci demande d’abord de débloquer les études « réellement scientifiques » sur ces phénomènes de vieillissement. Des études « visant à dégager des formats de supports d’archivage longue durée » qui seraient menées en étroite liaison avec les États-Unis et le Japon.

Optical Disc Archive Time

Depuis août 2008, le Japon a par exemple constitué l’Archive Disc Test Center, ou DONE, un centre indépendant disposant de cinq enceintes de vieillissement accéléré (température et humidité). Ses futures conclusions seront concrétisées par un logo Optical Disc Archive Time Test donnant une indication sur les propriétés à l’épreuve du temps. En France, signalons les travaux du Laboratoire National de Métrologie et d’Essais dont sont extraites les photos d'illustration.

Éviter la perte des compétences en Europe

Toujours sur le même plan, le groupe demande qu’on évite la perte des compétences dans le privé et le public, en prenant « les mesures urgentes » nécessaires à leur préservation « avant qu’elles aient complétement disparu de l’Europe ».

Troisième recommandation : suite à ces futurs travaux de recherches et développements, « favoriser l’innovation et l’apparition d’une offre industrielle de qualité », par exemple par des commandes d’organismes publics concernés par cette problématique de l’archivage à long terme.

Enfin, l’étude demande que soit élaborée une véritable politique d’archivage numérique. D’abord en s’assurant auprès de chaque ministère que les données importantes sont « bien l’objet du suivi indispensable à leur survie ». Ensuite, en évaluant l’intérêt d’une mutualisation des moyens, par exemple par la création d’un centre de conservation des données numériques à long terme.

Reproduction des supports, multiplication des coûts pour copie privée

Ces questions, qui contrastent avec celles liées au droit à l'oubli dans les univers numériques repose aussi la problématique des coûts que représentent les supports vierges pour les particuliers. À chaque achat d'un disque dur externe, une clé USB, un CD-Rom ou DVD vierge, etc. est prélevée une rémunération pour copie privée au profit des ayants droit. Et ce, qu'on y stocke des albums légalement copiés ou qu'on y archive les photos du petit dernier de la famille...