L'éradication des maladies serait un mauvais investissement
Par Benje le mardi, avril 20 2010, 15:24 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: Université McGill (William Raillant-Clark)
Des recherches en biologie indiquent que, dans la plupart des domaines,
les dépenses consacrées aux questions générales en santé génèrent un
rendement largement supérieur
Bien que l'éradication de la variole se soit révélée l'une des
réalisations les plus remarquables du 20e siècle, de récentes recherches
indiquent que de telles initiatives ne sont pas aussi utiles qu'on
puisse le croire. Selon Jonathan Davies, professeur de biologie à l'Université McGill de Montréal, la réduction de
la prévalence d'une maladie dans les régions les plus touchées est une stratégie hautement plus efficace et économique que de s'attacher à éradiquer complétement cette maladie, ce qui est extrêmement difficile, en plus de
requérir l'investissement de milliards de dollars. Le professeur Davis
précise également que les récents travaux menés ont démontré qu'il est
possible d'identifier les populations les plus à risque à l'aide de
trois variables.
Une grande diversité de mammifères et d'oiseaux locaux dans une région
donnée, une importante population humaine ainsi qu'un contrôle inefficace des maladies
donnent lieu à une prévalence élevée de la maladie. Le climat joue
également un rôle de premier plan lorsqu'il s'agit de déterminer le nombre de maladies, mais cette donnée ne permet pas
pour autant d'indiquer le nombre de personnes qui en seront atteintes.
"Aucune maladie n'est restreinte par des frontières politiques. Par
ailleurs, une épidémie locale peut rapidement se transformer en pandémie
mondiale. Dans cette perspective, la réduction de la prévalence dans
une région donnée entraîne des répercussions favorables aux quatre coins
du monde", de préciser le chercheur. Les récentes éruptions
grippales ont démontré à quel rythme les maladies peuvent se propager
d'un pays à l'autre et combien il en
coûte de procurer un vaccin à des millions d'individus. En ciblant les
populations à risque, il est possible d'empêcher que surviennent des
éruptions d'ampleur mondiale, tout en réduisant les sommes qui y sont
généralement consenties.
La recherche indique que les efforts à cet effet
devraient être déployés dans des pays comptant de vastes populations, ce
qui est notamment le cas de l'Inde et du Pakistan, ainsi que dans les
régions où pratiquement aucun investissement n'est consenti aux soins de
santé, ce qui est notamment le cas à Madagascar et dans la majeure
partie de l'Afrique orientale.
Outre son incidence sur la santé, la recherche indique que la maladie
entraîne des répercussions sur le comportement humain, l'élaboration de
politiques, la stabilité nationale, la fertilité, l'économie mondiale
et, plus généralement, l'évolution et la dynamique de l'histoire
humaine. En d'autres mots, les ramifications sont colossales. "Bien que
l'on sache que la distribution de la maladie a, par le passé, touché l'ensemble des aspects de la vie
humaine, l'ampleur des répercussions de ces maladies dépendra des choix
qui sont faits aujourd'hui en ce qui a trait à l'allocation de fonds en matière de soins de santé, et ce, à
l'échelle mondiale", a conclu le professeur Davies.
Les professeurs Michael Gavin, de la Victoria University of
Wellington, en Nouvelle-Zélande, et Robert Dunn et Nyeema Harris, de
la North Carolina State University, ont contribué au même titre à
cette recherche publiée en ligne par les Proceedings of the Royal
Society: B le 15 avril 2010.