Hervé Morin

L'ADN, l'acide désoxyribonucléique, dont la structure en double hélice a été décrite par Crick et Watson en 1953, est bien une macromolécule à tout faire. Comme support de l'hérédité bien sûr, et des informations nécessaires au développement et au fonctionnement d'un organisme.

Mais les outils développés par les biologistes pour en synthétiser à volonté des fragments sur mesure ont aussi donné des idées aux chimistes et aux physiciens férus de nanotechnologies.

En 1994, Leonard Adleman a été le premier à proposer l'emploi de brins d'ADN pour résoudre un problème dit du voyageur de commerce, qui consiste à déterminer la plus petite route reliant plusieurs points et passant une seule fois par chacun. Il a ainsi ouvert la voie à de futurs ordinateurs moléculaires, capables d'effectuer des calculs combinatoires complexes 'en tube à essai'. Depuis lors, des portes logiques en ADN, mimant le fonctionnement de circuits électroniques sur silicium, ont été conçues.

Par ailleurs, dès le début des années 1990, certains avaient imaginé pouvoir tirer profit des capacités d'accrochage entre eux de fragments d'ADN pour créer des structures en deux, et bientôt trois dimensions - comme des cubes ou des octaèdres tronqués. Mais la synthèse de tels objets demandait de multiples étapes et présentait un faible rendement. Plus récemment est apparue la technique dite de l'origami en ADN. Il s'agit cette fois de synthétiser non pas plusieurs mais un seul brin d'ADN, dont on a préalablement prévu les points de repliement et les affinités locales pour qu'il prenne la forme voulue. En effet, la molécule d'ADN est constituée de quatre briques de base A, T, C et G : l'adénine, qui se lie par complémentarité à la thymine et la cytosine à la guanine.

Parmi les premiers, en 2006, Paul Rothemund (Caltech, Pasadena) a ainsi dessiné une grande variété de structures planes, en mettant à profit ces affinités électives.

Depuis, la synthèse de ces origamis s'est affinée et il est désormais possible de concevoir des objets en trois dimensions, comme ceux qui illustrent cette page, conçus en 2009 par l'équipe de William Shih (Harvard University). Ce laboratoire a même développé un logiciel libre de conception assistée par ordinateur, caDNAno.

Pour obtenir de tels autoassemblages, l'ADN n'a pour l'heure "aucun concurrent", juge Christophe Vieu, du Laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes (CNRS, Toulouse). L'enjeu est désormais de trouver une utilité à ces structures inertes, en chimie, en pharmacie ou encore en électronique.