Comment le cerveau humain mémorise-t-il un son ?
Par Benje le samedi, mai 29 2010, 23:14 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS
La répétition sonore nous permet de mémoriser des
sons complexes très rapidement, efficacement et durablement. Mise en
évidence pour la première fois par des chercheurs du CNRS, de l'ENS Paris et des Universités Paris
Descartes et Toulouse 3 (travail mené par deux laboratoires: le Laboratoire
psychologie de la perception -CNRS/Université Paris Descartes/ENS Paris-
et le Centre de recherche cerveau et cognition -CNRS/Université
Toulouse 3-), cette forme d'apprentissage auditif
interviendrait dans la vie courante pour identifier et mémoriser des
motifs sonores: elle permettrait, par exemple, de reconnaître
immédiatement les sons qui nous deviennent familiers par l'expérience,
comme la voix d'un proche. Ce même mécanisme serait impliqué dans le
ré-apprentissage de certains sons, qui est notamment mis en œuvre lors
de l'acquisition d'aides auditives. Ces travaux ouvrent
de nouvelles perspectives pour mieux comprendre le processus de mémorisation auditive. Ils viennent d'être publiés
dans la revue Neuron.
"Jusqu'à présent, les seules données concernant la mémorisation auditive
concernaient des sons simples ou bien le langage", précise Daniel
Pressnitzer, chercheur CNRS au Laboratoire
psychologie de la perception (CNRS/Université Paris Descartes/ENS
Paris). S'attaquer aux sons complexes et étudier nos capacités à les
mémoriser, tel est le défi que se sont lancés trois chercheurs français.
En effet, d'importantes lacunes persistaient en la matière.
Afin d'étudier comment se forme la mémoire auditive, les chercheurs ont
soumis des volontaires à divers échantillons sonores: ces bruits étaient
générés de manière totalement aléatoire et imprévisible, de façon à
éviter que les auditeurs ne les aient déjà entendus. De plus, ces ondes
sonores originales et complexes n'avaient aucune signification: elles
sont perçues, de prime abord, comme des chuchotements indistincts. Ce
que les auditeurs ne savaient pas, c'est qu'un motif sonore complexe
pouvait être présenté plusieurs fois, à l'identique, pendant
l'expérience.
Grâce à ce protocole expérimental assez simple, les scientifiques ont
découvert que notre oreille est remarquablement efficace pour distinguer
des répétitions sonores. Les auditeurs sont ainsi parvenus à
reconnaître de manière quasi-infaillible le motif sonore qui leur était
présenté plusieurs fois: deux écoutes suffisaient pour les personnes à
l'oreille aguerrie, une dizaine d'écoutes seulement était nécessaire
pour les moins entraînées. La répétition sonore induit donc un
apprentissage extrêmement rapide, tout en étant efficace. Celui-ci se
met en place de façon implicite (il est non supervisé). De plus, cette
mémoire des bruits peut persister pendant plusieurs semaines. Deux
semaines après la première expérience, les volontaires repèrent de
nouveau le motif sonore, et ce du premier coup.
Les scientifiques ont ainsi démontré l'existence d'une forme
d'apprentissage auditif rapide, solide et pérenne. Leur dispositif
expérimental se révèle une méthode pertinente et simple qui pourrait
permettre d'étudier la mémoire auditive tant chez l'homme que chez
l'animal. Ces résultats supposent qu'un mécanisme de plasticité auditive
rapide, c'est-à-dire un mécanisme impliqué dans la capacité d'un
neurone auditif à moduler le type de réponse qu'il donne suite à une
stimulation sonore, interviendrait de manière extrêmement efficace dans
notre apprentissage de l'univers sonore. Ce processus
est très vraisemblablement essentiel pour repérer et mémoriser les
motifs sonores récurrents dans notre environnement acoustique, comme la voix d'un
proche. Il présente toutes les caractéristiques qui seraient nécessaires
à l'être humain pour apprendre à associer un son et l'objet qui en est la cause. Ce même
mécanisme pourrait également être impliqué dans le ré-apprentissage:
celui-ci semble bien souvent nécessaire dès lors que l'audition change
brusquement. C'est le cas des personnes malentendantes qui acquièrent
des aides auditives: une période d'adaptation à ces prothèses est
indispensable pour qu'elles se réhabituent à entendre des sons qu'elles
n'entendaient plus ou percevaient différemment. Les chercheurs espèrent
un jour pouvoir mieux étudier l'effet sur
le ré-apprentissage des modifications introduites par ces appareils.
Illustrations sonores: http://audition.ens.fr/memonoise
Rapid formation of robust auditory memories: Insights from noise. Trevor
R. Agus, Simon J. Thorpe, Daniel Pressnitzer. Neuron. 27 mai 2010. En
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