Source: Swiss Federal Laboratories for Materials Testing and Research (EMPA)

Tout a commencé par une étude de faisabilité sur la réalisation de couches minces fluorescentes pour des applications optiques de sécurité. Qui a en fait conduit à un projet  de recherche européenne pour le développement de détecteurs de gaz d’un type nouveau. Et finalement des chercheurs de l’Empa (Laboratoire fédéral suisse d'essai des matériaux  et de recherche) sont parvenus entre temps à synthétiser à partir de ces matériaux des nanofils organiques complexes et à les raccorder électriquement entre eux, ce qui constitue un premier pas vers la réalisation de composants pour l’électronique du futur.

Les semi-conducteurs organiques sont des candidats prometteurs pour la production de micro- et de nanocomposants électroniques flexibles de grande surface et bon marché tels que des transistors, des diodes ou des capteurs. Cela à condition toutefois que l’on parvienne à raccorder électriquement entre eux ces composants pour créer ainsi des circuits. Des chercheurs de l’Empa ont maintenant développé un nouveau procédé qui permet de réaliser des circuits simples en nanofils organiques.

A l’origine, le projet européen «PHODYE»

Une fois retourné à Valence après un séjour de recherche de trois ans à l’Empa, le physicien espagnol Angel Barranco a lancé le projet européen «PHODYE» - entre autres aussi avec ses anciens collègues de l’Empa. Ce projet a pour but de développer des détecteurs optiques de gaz ultrasensibles à partir de couches minces fluorescentes dont la couleur et la fluorescence changent au contact de certaines molécules de gaz. Des capteurs qui pourraient servir par exemple pour surveiller les émissions polluantes du trafic routier ou encore avertir à temps le personnel des laboratoires ou les mineurs de la présence de gaz toxiques.

«Ce que nous avions tout d’abord imaginé, c’était une sorte que clé électronique pour des applications dans le domaine de la sécurité» explique Pierangelo Gröning. Et pour cela on avait besoin de couches minces transparentes fortement fluorescentes. C’est ce qui a conduit Gröning et Barrenco à développer un procédé de déposition plasma permettant de déposer en hautes concentrations sur des couches de SiO2 ou de TiO2 des molécules de colorants fluorescentes telles que des métallo-porphyrines, des pérylènes et des phthalocyanines sans les décomposer.

Rapidement, ils se sont rendu compte que lorsque certaines molécules de gaz venaient se lier aux particules de colorant, la fluorescence des colorants changeait de longueur d’onde et qu’ainsi la couche mince prenait une autre teinte. En utilisant des colorants différents, il est alors aussi possible de détecter déjà en très faibles concentrations différents gaz dangereux pour l’homme.

Une diversité d’utilisation étonnante

Pour de nombreuses applications, les capteurs doivent avoir un temps de réponse aussi court que possible – ce qui n’est guère réalisable avec des couches de colorants compactes déposées par plasma. Il en irait autrement des couches présentant une porosité très élevée – par exemple ayant la forme d’un «velours de moquette» formé de nanofils et dont les chercheurs espèrent encore d’autres avantages. De telles couches permettent d’augmenter la surface d’adsorption des molécules des gaz à détecter et raccourcissent encore leurs voies de diffusion, ce qui diminue le temps de réaction des capteurs. La physicienne Ana Boras a alors développé pour cela un nouveau procédé de déposition sous videpour la synthèse de nanofils organiques.

Entre temps, les chercheurs de l’Empa sont même parvenus à produire des nanofils aux propriétés des plus diverses selon les molécules de départ et les conditions d’essai. Par exemple, des nanofils de molécules de métallo-phthalocyanines qui présentent un diamètre de 10 à 50 nanomètres seulement et une longueur pouvant atteindre jusqu’à 100 micromètres. Ce que ce nouveau procédé présente de particulier et d’inattendu c’est que, avec un contrôle précis de la température du substrat et de son traitement préalable ainsi que du flux de molécules, on obtient des nanofils possédant sur toute leur longueur une structure monocristalline d’une perfection jamais atteinte jusqu’ici.

Après les premiers examens au microscope électronique, il était clair pour Gröning que ce nouveau procédé ne fournissait pas seulement des nanofils utilisables pour les détecteurs de gaz envisagés mais aussi pour des circuits électroniques de nanofils pour des applications (opto)électroniques telles que des piles solaires, des transistors ou des diodes. Cela parce que ces divers types de nanofils peuvent se combiner à volonté entre eux pour créer des circuits aux propriétés les plus diverses, ainsi que l’on rapporté Gröning et son équipe dans un article publié la revue scientifique «Advanced Materials».

L’astuce utilisée pour cela: sur les nanofils élaborés sur la surface on dépose par pulvérisation cathodique dans une deuxième étape des particules d’argent; une cible dans ce cas un bloc d’argent – est bombardée à l’aide d’ions haute énergie, ce qui lui arrache des atomes d’argent qui passent alors dans la phase gazeuse et vont se déposer sur les nanofils. Ensuite, dans une dernière étape, les chercheurs de l’Empa font croître sur ce nanofil originel d’autres nanofils qui, de plus, sont reliés électriquement avec ce dernier grâce aux particules d’argent: et voilà créée la structure de base d’un circuit intégré à l’échelle nanométrique.

Un premier pas de la microélectronique vers la nanoélectronique

Les résultats des premières mesures de conductibilité effectuées sous ultravide sur un microscope à effet tunnel à quatre pointes spécial ont dépassé toutes les espérances: ces nanofils sont d’une qualité extraordinaire. «Ceci nous permettra de produire aussi bientôt des semi-conducteurs organiques» est convaincu Gröning. «Et cela de plus avec un procédé simple et peu coûteux». Entre temps, ces chercheurs sont parvenus à développer des structures de nanofils toujours plus complexes et à les relier entre elles avec toujours plus d’habileté.

Par exemple des nanofils formés de différentes molécules de départ. Si l’on utilise des molécules qui ne peuvent transporter soit que des charges positives soit que des charges négatives, on obtient alors une diode qui ne laisse passer le courant que dans un seul sens. Gröning pense qu’il est fort probable qu’un jour on puisse réaliser ainsi des composants pour la nanoélectronique et la nanophotonique du futur.