Les résultats de l'enquête sont les mêmes chez l'homme que chez la femme, chez les personnes de poids normal ou en excès de poids. Crédits photo : Le Figaro

Une consommation quotidienne induirait une prise de poids selon une étude sur 400.000 personnes.

Les régimes protéiques dits Atkins ou Dukan sont connus pour permettre de perdre plusieurs kilos en une semaine à peine. Leurs adeptes vont certainement réfléchir à deux fois avant de se jeter sur leurs brochettes de bœuf: une enquête publiée dans la revue spécialisée, l'American Journal of Clinical Nutrition montre que la consommation de viande quotidienne induit une prise de poids à long terme. «Une augmentation de la consommation de viande de 250 grammes par jour est associée à une prise de poids de 2 kg de plus sur cinq ans», explique l'auteur de cet article, le Dr Anne-Claire Vergnaud, épidémiologiste à l'Imperial College de Londres. L'étude a été menée sur 400.000 Européens de dix pays: France, Danemark, Suède, Espagne, Pays-Bas, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Norvège, Grèce. Ce travail se situe dans le cadre d'EPIC (European prospective investigation into cancer), une référence dans le domaine de l'épidémiologie nutritionnelle et qui a la particularité de fournir des données sur plusieurs pays en passant à la loupe les comportements d'un très grand nombre de personnes. Ce programme, financé par la Communauté européenne, vise à étudier les liens entre alimentation et cancer.

Les conclusions de cette grande enquête qui a démarré en 1992 constituent «un élément s'ajoutant à la littérature scientifique qui montre les effets délétères pour la santé de la consommation de viande», relève Anne-Claire Vergnaud. Même si les auteurs ne font pas la différence entre la volaille, le veau, l'agneau, le bœuf, le porc et la charcuterie.

Données contradictoires  

Le Pr Arnaud Basdevant, chef du service nutrition à l'hôpital parisien de La Pitié-Salpêtrière, rappelle que le lien entre la consommation de viande et la prise de poids est une question débattue puisque des données contradictoires sont régulièrement publiées sur le sujet. «Pour certains, manger de la viande favorise la prise de poids. Pour d'autres, du fait de son apport en protéines, elle rassasie plus vite et limite donc la prise de poids», remarque-t-il.

Dans l'étude EPIC, le modèle prédit qu'une augmentation de la consommation de viande de 250 grammes par jour est associée à une prise de poids et ceci, indépendamment des apports caloriques ou de l'activité physique. Les résultats sont les mêmes chez l'homme que chez la femme, chez les personnes de poids normal ou en excès de poids. Dit autrement, pour un même apport calorique, si la consommation de viande est de 250 grammes par jour, la prise de poids sera supérieure à celle observée chez les faibles consommateurs de viande. Mais cette étude ne révèle pas ce que ces faibles consommateurs de viande consomment comme calories à la place de la viande et qui pourrait être protecteur de la prise de poids. «Il faut noter que cette prise de poids supérieure s'observe chez les sujets qui étaient au départ les plus minces. Ce qui pose question car cette étude repose sur les poids déclarés par les participants et non mesurés par les auteurs. Or nous savons que les personnes en surpoids ont tendance à sous-estimer leur poids, tout comme elles évaluent mal leurs apports alimentaires. Ce qui peut biaiser les résultats», observe encore le Pr Basdevant.

Cette étude est intéressante car elle porte sur une très large population. Elle a également l'intérêt d'étudier l'influence des habitudes alimentaires au-delà de la seule question quantitative des calories en abordant les aspects qualitatifs sur l'origine des calories. La question est maintenant de savoir si ce résultat est extrapolable. Et s'il ne s'explique pas par des comportements associés au fait d'être mangeur de viande comme le fait de consommer plus d'aliments en graisses saturées ou d'être plus sédentaire qu'un végétarien par exemple.

« En termes de santé publique, il est clair qu'il faut réduire sa consommation de viande» , conclut pour sa part Anne-Claire Vergnaud.