Tuberculose: découverte de nouveaux gènes impliqués dans le parasitisme des cellules par le bacille
Par Benje le vendredi, septembre 17 2010, 17:19 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS
Une collaboration euro-asiatique de scientifiques impliquant tout particulièrement le CNRS, l'Institut Pasteur à Paris, l'Institut Pasteur de Corée à Séoul (IP Korea/Equipe Avenir Inserm ( le programme ATIP-Avenir mené conjointement par l'Inserm et le CNRS donne les moyens à de jeunes chercheurs de haut niveau de mettre en place et d'animer une équipe de recherche pendant 3 ans; depuis leurs créations, ces deux programmes ont permis à plus de 438 chercheurs de constituer leur propre équipe de recherche dans les domaines des sciences de la vie et de la santé)) et l'Université de Toulouse vient d'identifier dix gènes de virulence du bacille de la tuberculose. L'inactivation de ces gènes atténue le pouvoir pathogène du bacille. Cette découverte, publiée dans la revue PLoS Pathogens, permettra notamment de proposer des stratégies thérapeutiques inédites et de tester de nouveaux candidats-vaccins contre la tuberculose. Pour parvenir à de tels résultats en seulement deux semaines, les chercheurs ont d'abord mis au point une nouvelle technique de criblage. Cette méthode innovante, rapide et performante pourrait être facilement transposable à d'autres pathogènes intracellulaires.
Malgré les médicaments existants et la vaccination
par le BCG, la tuberculose continue de faire des ravages: elle tue
chaque année près de 2 millions de personnes dans le monde.
Cette maladie est causée par des bactéries de la famille des
mycobactéries, parmi lesquelles figure Mycobacterium tuberculosis,
l'agent de la tuberculose chez l'homme. Sa virulence, c'est-à-dire sa
pathogénicité, dépend de sa capacité à se propager au sein de la cellule
hôte. Cet agent pathogène est en effet capable d'échapper aux défenses
de l'hôte qu'il infecte en parasitant les macrophages, cellules du
système immunitaire normalement impliquées dans l'ingestion et la
destruction des microbes. Après inhalation, Mycobacterium tuberculosis
se retrouve dans les poumons. Là, il est ingéré par les macrophages
alvéolaires et réside dans un compartiment intracellulaire appelé
"phagosome". D'ordinaire, ce dernier a pour fonction de détruire, en
s'acidifiant, les corps ingérés par le macrophage. Mais, au lieu d'être
tué par la cellule, le bacille tuberculeux s'y multiplie en bloquant
l'acidification du phagosome. Les gènes du bacille impliqués dans ce
processus restaient jusqu'à présent méconnus. Les identifier fut l'un
des objectifs de la collaboration euro-asiatique pilotée par Olivier
Neyrolles, chercheur
CNRS à l'Institut de pharmacologie et de biologie structurale (CNRS /
Université de Toulouse) et Priscille Brodin, chercheuse à l'Inserm
(Institut Pasteur de Corée / Inserm).
Pour cela, les chercheurs ont tout d'abord conçu une nouvelle méthode de
criblage basée sur la sélection, par un robot, d'un phénotype
cellulaire caractérisé par un cliché de microscopie. Grâce à cette
technique novatrice, les échantillons correspondant au critère souhaité
sont repérés visuellement et automatiquement. Ce dispositif offre donc
un gain de temps considérable pour identifier des composants microbiens impliqués dans le parasitisme des cellules.
Cette méthode originale et performante a été ensuite appliquée à une souche particulièrement virulente (Il s'agit de la famille appelée "Beijing" pour sa prépondérance en
Asie; elle est aujourd'hui considérée comme la seconde par sa fréquence mondiale et est fréquemment associée à une pharmacorésistance) de Mycobacterium tuberculosis. Elle a permis de passer au crible plus de 11000 mutants (le génome du bacille tuberculeux comporte plus de 4000 gènes. Les
chercheurs ne connaissent pas encore la fonction de la moitié de ces
gènes environ. Cela met en évidence la pertinence de méthodes de
criblage à haut débit: avec une banque de 11 000 mutants pour un génome comportant 4000 gènes, les chercheurs sont certains d'avoir couvert l'ensemble du génome du bacille)
du bacille tuberculeux, cela en à peine quelques semaines. Le robot
était alors programmé pour détecter si la fonction "acidification" était
active ou non. Les chercheurs sont ainsi parvenus à isoler les mutants
qui ne parvenaient pas à bloquer l'acidification du phagosome et qui
étaient donc détruits par les macrophages. Les mutations correspondantes
ont ensuite été identifiées par génie génétique, puis dix gènes, dans
leur majorité inconnus, impliqués dans le parasitisme du macrophage ont
été caractérisés.
La plupart de ces gènes codent pour la synthèse de produits sécrétés par
la bactérie: protéines et lipides, dont la fonction précise dans le
parasitisme des cellules par Mycobacterium tuberculosis reste désormais à
élucider. De plus, ces molécules pourraient constituer des cibles de
choix pour de nouveaux antibiotiques. Enfin, ces résultats suggèrent
que les mutants isolés, dont certains sont atténués dans leur virulence
in vivo, pourraient être de bons candidats pour la conception de
nouveaux vaccins à même de remplacer le BCG.
Ces travaux ont bénéficié de plusieurs soutiens financiers, en
particulier de l'Union Européenne dans le cadre du programme TB-VIR,
coordonné par Olivier Neyrolles.
High content phenotypic cell-based visual screen identifies
Mycobacterium tuberculosis acyltrehalose-containing glycolipids involved
in phagosome remodeling. Priscille Brodin, Yannick Poquet, Florence
Levillain, Isabelle Peguillet, Fanny Ewann, Gerald Larrouy-Maumus,
Martine Gilleron, Thierry Christophe, Denis Fenistein, Jichan Jang,
Mi-Seon Jang, Park Sei-Jin, Jean Rauzier, Jean-Philippe Carralot, Rachel
Shrimpton, Auguste Genovesio, Jesus A. Gonzalo Asensio, Germain Puzo,
Carlos Martin, Roland Brosch, Graham R. Stewart, Brigitte Gicquel and
Olivier Neyrolles. PLoS Pathogens, 9 septembre 2010.