Ne pas voir de forme, ne pas toucher de forme, mais entendre une forme ?
Par Benje le lundi, octobre 25 2010, 19:58 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: Université McGill. Montréal
Des chercheurs de l'Institut et hôpital neurologiques de Montréal – le Neuro, de l'Université McGill de Montréal ont découvert que notre cerveau peut déterminer la forme d'un objet simplement en traitant des sons codés spécialement, sans aucun apport visuel ou tactile. Cette nouvelle recherche nous éclaire sur la plasticité du cerveau et ses façons de percevoir le monde
qui nous entoure, et ouvre d'importantes nouvelles possibilités pour
aider les personnes aveugles ou ayant une déficience visuelle.
La forme est une propriété inhérente aux objets qui existe sur les plans
de la vision et du toucher, mais non du son. Des chercheurs du Neuro se
sont demandé s'il était possible de représenter artificiellement la
forme par le son? "Le fait qu'une propriété du son, comme la fréquence,
puisse servir à communiquer de l'information sur la forme semble
indiquer que tant que la relation spatiale est codée de façon
systématique, la forme peut être préservée et rendue accessible – même
si le moyen par lequel l'espace est codé n'est pas spatial dans sa
nature concrète", explique Jung-Kyong Kim, étudiant au doctorat associé au laboratoire du professeur Robert Zatorre du Neuro, et chercheur principal de l'étude.
Autrement dit, tout comme nos cousins les dauphins qui recourent à
l'écholocalisation pour explorer l'océan, notre cerveau peut apprendre à
reconnaître des formes représentées par le son. L'espoir est que des
personnes ayant une déficience visuelle apprennent cette aptitude. Dans
l'étude, des participants voyants dont les yeux étaient bandés ont
appris à reconnaître de l'information spatiale tactile au moyen de sons
cartographiés à partir de formes abstraites. À la suite de cet
apprentissage, les personnes pouvaient jumeler des éléments auditifs et
des formes discernées tactilement et manifestaient de la généralisation
pour de nouvelles associations auditives-tactiles ou son-toucher.
"Nous vivons dans un monde où nous percevons les objets en utilisant de
l'information provenant de multiples éléments sensoriels", dit le Pr
Zatorre, neuroscientifique au Neuro et codirecteur du Laboratoire
international de recherche sur le cerveau, la musique et le son. "D'une
part, cette façon de faire donne lieu à des percepts uniques propres à
des sens, comme la couleur dans la vision ou le ton dans l'ouïe; d'autre
part, notre système perceptuel peut intégrer de l'information présente
dans différents sens et faire naître une représentation unifiée d'un
objet. Nous pouvons percevoir un objet polysensoriel comme une seule
entité, car nous pouvons discerner des attributs équivalents ou points
communs dans différents sens." Des études de neuro-imagerie ont
identifié des régions du cerveau qui intègrent l'information provenant
de différents sens – et qui combinent l'apport de tous les sens pour
créer un portrait complet et d'ensemble.
Les résultats de l'étude du Neuro confortent l'hypothèse voulant que
notre perception d'un objet ou d'un événement cohérent se produise
fondamentalement à un niveau abstrait au-delà des modes d'apport
sensoriel dans lesquels il est présenté. Cette recherche jette une
nouvelle lumière importante sur la façon dont notre cerveau traite le
monde et ouvre de nouvelles possibilités pour les personnes ayant une
déficience sensorielle.
L'étude a été publiée dans la revue Experimental Brain Research.
La recherche a été financée par les Instituts de recherche en santé du
Canada et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du
Canada.