Un nouveau médiateur pour prédire la progression des maladies rénales chroniques
Par Benje le lundi, novembre 1 2010, 10:25 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: Université Paris Descartes
Deux à 3 millions de Français souffrent de maladies
chroniques des reins, ces organes vitaux qui filtrent le sang. Ce
mois-ci dans The Journal of Clinical Investigation, l’équipe de Fabiola
Terzi de l’unité mixte de recherche "Centre de Recherche Croissance et
Signalisation" (Inserm 845, Université Paris
Descartes) révèle la découverte d’un nouveau médiateur de la
progression des maladies rénales chroniques. Il s’agit d’une protéine de transport
sécrétée par le rein qui accélère la dégradation rénale. La mesure de
son excrétion dans les urines est susceptible de prédire l’évolution de
la maladie chez l’Homme, un enjeu majeur pour les personnes atteintes de
ces maladies silencieuses dont le diagnostic est souvent tardif. Les résultats, parus dans le numéro d’octobre de la revue, sont disponibles à l’adresse http://www.jci.org/articles/view/42004
Les maladies rénales chroniques (MRC) se caractérisent par l’atteinte
progressive de la fonction du rein. Les reins ont plusieurs fonctions
essentielles à l’équilibre de l’organisme: l’élimination des déchets
toxiques dans les urines, le contrôle de l’équilibre hydrique et
minéral, la sécrétion d’hormones, d’enzymes et de vitamines. Ces
fonctions sont assurées par les unités fonctionnelles du rein, les
néphrons. En entraînant progressivement la réduction du nombre de néphrons fonctionnels, les MRC aboutissent à une insuffisance rénale terminale, pour laquelle il
n’existe à ce jour aucune thérapie efficace en dehors de la dialyse et
de la transplantation rénale.
Fabiola Terzi et ses collaborateurs de l’unité mixte de recherche
"Centre de Recherche Croissance et Signalisation" (Inserm 845,
Université Paris Descartes) se sont penchés sur l’étude des mécanismes
moléculaires peu connus de la progression des MRC. En utilisant deux
souches de souris réagissant différemment à la réduction du nombre de
néphrons, ils ont montré que le gène codant la Lipocaline 2 (Lcn2) joue
un rôle essentiel dans la progression de la maladie. En effet, la
protéine Lcn2 s’exprime plus fortement dans la souche développant des
lésions rénales sévères et son expression est liée à l’intensité des
lésions. Plus importante encore, l’équipe a montré que l’inactivation du
gène Lcn2 prévient la progression des lésions rénales lors d’une
réduction du nombre de néphrons.
L’équipe de Fabiola Terzi a élucidé la voie moléculaire par laquelle la
Lcn2 conduit à la destruction du rein. Lcn2 est un acteur-clé de la voie
de signalisation activée par le récepteur d’un facteur de croissance,
l’EGFR, connu pour favoriser la progression des MRC. L’activation de ce récepteur induit la production de la
protéine Lcn2 qui, à son tour, agit comme médiateur en favorisant la
prolifération cellulaire qui précède le développement de lésions rénales
et à la formation de kystes.
Chez l’homme, les chercheurs ont montré que cette protéine est aussi
produite en quantité anormalement élevée dans le rein des malades
atteints de MRC et que sa présence dans les urines est étroitement
associée à la progression rapide vers l’insuffisance rénale terminale.
Pour Fabiola Terzi et ses collaborateurs, il s’agit d’"une découverte
très importante pour les patients atteints de MRC car l'excrétion
urinaire de ce médiateur est capable de prédire l'évolution de la
maladie."
Cette avancée est d’autant plus essentielle pour les malades, que la
plupart des patients atteints de MRC ignorent leur maladie: elle ne
provoque généralement aucun symptôme perceptible avant un stade avancé
et à ce jour, il n’existe pas de véritables traitements contre la progression des MRC. Les auteurs
envisagent à terme de valider ces premières données par un essai
clinique qui pourrait aboutir à la mise en œuvre de cet outil pour la détection et le suivi des maladies rénales chroniques.
Publication:
Lipocalin (2) is essential for chronic kidney disease progression in mice and humans
Amandine Viau(1), Khalil El Karoui(1), Denise Laouari(1), Martine Burtin(1), Clément Nguyen1, Kiyoshi Mori(2),
Evangéline Pillebout(1), Thorsten Berger(3), Tak Wah Mak(3), Bertrand Knebelmann(1), Gérard Friedlander(1),
Jonathan Barasch(2) and Fabiola Terzi(1)
(1) INSERM U845, Centre de Recherche “Croissance et Signalisation,” Université Paris Descartes,
Hôpital Necker Enfants Malades, Paris, France.
(2) Department of Medicine, Columbia University, New York, New York, USA.
(3) The Campbell Family Institute for Cancer Research, University Health Network, Toronto, Ontario,
Canada.
The Journal of Clinical Investigation octobre 2010 http://www.jci.org/articles/view/42004