Structure 3D: premier déchiffrage du mode d'action des anesthésiques généraux
Par Benje le vendredi, janvier 21 2011, 21:20 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Deux équipes de l'Institut Pasteur associées au CNRS publient dans la revue Nature la
structure tridimensionnelle de deux anesthésiques généraux associés à
leur récepteur membranaire. Ces recherches fournissent les premières
structures à résolution atomique pour comprendre le mode d'action des
anesthésiques, qui depuis leur découverte il y a deux siècles est resté
mal connu. Elles pourraient ainsi constituer une première étape vers la
conception de nouveaux composés, plus spécifiques et présentant moins
d'effets secondaires.
Les chercheurs du groupe Récepteurs-canaux (Institut Pasteur/CNRS URA
2182) et de l'unité de Dynamique structurale des macromolécules
(Institut Pasteur/CNRS, URA 2185) dirigés respectivement par Pierre-Jean
Corringer et Marc Delarue, viennent de déterminer la structure
tridimensionnelle de deux anesthésiques généraux, le propofol et le
desflurane, en complexe avec un récepteur-canal de la membrane
cellulaire.
Les chercheurs ont cristallisé puis analysé par
diffraction aux rayons X le complexe, jusqu'alors jamais observé, formé
par ce canal et les anesthésiques. Ils ont pour cela utilisé un
homologue bactérien du canal GABAA, qu'ils ont découvert en 2007 (1). Le
récepteur GABAA est en effet l'une des principales cibles membranaires
pour les molécules anesthésiques. Chez l'homme, il assure la grande
majorité de la transmission du message nerveux inhibiteur.
Grâce à la résolution à l'échelle atomique de la structure du complexe,
les scientifiques de l'Institut Pasteur et du CNRS ont pu identifier des
sites de liaison auxquels les anesthésiques se lient spécifiquement.
Ils ont également montré qu'il est possible de moduler l'affinité de
l'anesthésique pour son récepteur et l'activité de ce dernier en
modifiant légèrement la configuration des sites de liaison. Ces
résultats corroborent les données de la littérature scientifique selon
lesquelles la fixation de la molécule anesthésique potentialise l'effet
inhibiteur du récepteur, bloquant ainsi davantage la transmission des
messages nerveux, comme la sensation douloureuse, par exemple.
Cette étude apporte pour la première fois des éléments structuraux à
haute résolution sous-tendant l'action des anesthésiques généraux. En
effet, si leur découverte il y a deux siècles, avec l'utilisation de
l'éther, a révolutionné la chirurgie, les mécanismes expliquant leur
action restent mal connus.
Le franchissement de cette étape clé ouvre donc la voie à la conception
et à la mise au point, grâce aux technologies de la modélisation
moléculaire, de nouvelles molécules, plus spécifiques et aux effets
secondaires réduits.