Décrytage du collet du colza
Par Benje le lundi, février 28 2011, 19:57 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS
Piloté par l'INRA, le décryptage du génome de l'agent responsable de la
nécrose du collet du colza vient d'être achevé par un consortium de
chercheurs internationaux dont l'INRA, le CEA-Genoscope et le CNRS. Leptosphaeria maculans est le principal champignon pathogène de la
plante, pouvant causer des pertes de production importantes. Étonnamment, le génome de cette espèce présente une structure originale
constituée de deux types de compartiments qui diffèrent par leurs
dynamiques évolutives. Ce génome "à deux vitesses" favorise l'évolution
de cet agent pathogène et
son adaptation rapide à sa plante-hôte, ce qui en fait un ennemi
redoutable et redouté des producteurs de colza. A terme, l'étude
approfondie de ce génome devrait améliorer la sélection de variétés
résistantes du colza. L'ensemble de ces résultats est disponible dans
l'édition en ligne avancée de la revue NATURE Communications du 15 février 2011.
Dans le monde entier, la maladie de la nécrose du collet du colza
(également appelée "Phoma" du colza) est responsable d'une diminution de
la production nationale de 5 à 20% et peut entraîner localement la
destruction de parcelles entières. La lutte chimique étant peu efficace
et difficile à mettre en place, la sélection et l'utilisation de
variétés de colza naturellement résistantes au champignon sont donc
privilégiées. Malheureusement, l'agent pathogène montre un potentiel
évolutif extrême et les résistances variétales peuvent être contournées
en trois saisons de culture seulement.
Pour identifier les gènes impliqués dans
l'interaction avec le colza et expliquer l'adaptabilité du champignon,
le séquençage du génome de Leptosphaeria maculans a donc été
initié. L'analyse de la séquence révèle que le génome de cette espèce a
été récemment envahi par un cortège d'éléments transposables (1). Ces éléments, qui constituent un tiers du génome, sont répétés un grand nombre
de fois et sont regroupés dans des compartiments spécifiques. Ils
jouent un rôle important dans l'organisation, le remodelage et la dynamique
de ce génome. Cette caractéristique pourrait expliquer les capacités
d'adaptation très rapides du champignon à sa plante-hôte. En effet,
l'analyse plus précise de la séquence a permis de montrer que les gènes
qui ont un rôle important dans le processus infectieux sont regroupés
dans ces régions riches en éléments transposables. En particulier, 120
des 650 gènes codant pour des protéines sécrétées facilitant
l'infection, appelées effecteurs (2), sont regroupés dans de
telles régions. Ces effecteurs présentent la particularité de ne pas
avoir de fonction connue et d'être spécifiques de Leptosphaeria
maculans. Ces données suggèrent que l'insertion récente
d'éléments transposables, qui viennent "parasiter" le génome, favorise
la multiplication des gènes codant pour les effecteurs.
Ce séquençage éclaire donc sur la manière dont Leptosphaeria maculans
s'est adapté et s'adapte constamment au colza et à ses résistances.
L'analyse en cours des génomes d'autres espèces de Leptosphaeria plus ou
moins pathogènes du colza (ou d'autres plantes proches) permettra
d'identifier les facteurs spécifiques au développement des symptômes les
plus préjudiciables au colza. A terme, l'étude approfondie des contenus
en effecteurs, de leur évolution et de leur rôle dans la pathogenèse
devrait favoriser une gestion plus durable des résistances génétiques du
colza.
Notes:
(1) Un élément transposable est une séquence d'ADN "parasitant" les
génomes en étant capable de se déplacer et de se multiplier de manière
autonome dans le génome. Elle n'a généralement pas de fonction
identifiée dans le génome ainsi envahi.
(2) Un effecteur est une protéine facilitant l'infection, par exemple en
permettant de supprimer les réactions de défense des plantes. De tels
effecteurs peuvent être "reconnus" par les plantes résistantes pour
induire les réactions de défense des plantes. Ils sont alors appelés
"protéines d'avirulence".
Référence:
Effector diversification within compartments of the Leptosphaeria
maculans genome affected by Repeat Induced Point mutations. NATURE
Communications, 15 février 2011. Consulter le site web:
10.1038/ncomms1189.