Grâce à l'étude des gènes de près de 60 000 personnes, de nouvelles pistes thérapeutiques ont été découvertes.

L'union fait la force, y compris dans la lutte contre la maladie d'Alzheimer, qui est l'une des principales causes de dépendance de la personne âgée. La preuve : un consortium de 108 laboratoires européens, animé par une équipe française (dirigée par le Pr Philippe Amouyel à Lille) et une équipe britannique (Université de Cardiff), viennent d'identifier cinq nouveaux facteurs de prédisposition génétique impliqués dans le développement de cette redoutable affection. Ces travaux, qui ont bénéficié du soutien de la fondation Plan Alzheimer, ont été publiés dans la version en ligne de la revue Nature Genetics du 3 avril 2011.

"Aujourd'hui, les technologies permettent d'avoir une vision d'ensemble du génome d'un individu", rappelle le Pr Amouyel. "Mais pour pouvoir trouver des différences significatives entre les personnes malades et les autres, il faut comparer des populations très importantes." D'où la nécessité de réunir les équipes. Le consortium français, piloté par le chercheur lillois, qui avait déjà mis en évidence 2 gènes il y a deux ans, a donc travaillé avec ses confrères, notamment anglais. C'est ainsi qu'ils ont constitué une cohorte de près de 60 000 personnes. Leur étude a duré près de trois ans.

Mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques

Pour mémoire, la maladie d'Alzheimer est caractérisée par le développement de deux types de lésions dans le cerveau : les plaques amyloïdes et les dégénérescences neurofibrillaires. Les plaques amyloïdes proviennent de l'accumulation à l'extérieur des cellules d'une protéine - le peptide bêta amyloïde - dans des zones particulières du cerveau. Les dégénérescences neurofibrillaires sont des lésions qui apparaissent à l'intérieur des neurones ; elles proviennent de l'agrégation anormale, sous forme de filaments, d'une protéine appelée Tau. Ces anomalies finissent pas entraîner la mort des cellules nerveuses concernées.

"Nous avons déjà mis en évidence le fait que certains gènes ont la capacité d'éliminer la protéine amyloïde", souligne Philippe Amouyel. "Chez les individus à risque de maladie d'Alzheimer, son élimination est beaucoup moins efficace, d'où l'accumulation de cette protéine. Une hypothèse de travail consistant à stimuler son élimination par des voies naturelles est actuellement à l'étude." Les nouvelles découvertes confirment bien le rôle de la protéine amyloïde ainsi que les liens entre le système immunitaire et l'Alzheimer. Mais les chercheurs ont également identifié des gènes qui interviennent dans les mécanismes de transport de certains neurotransmetteurs et donc dans la mémoire. Ainsi que d'autres, susceptibles d'expliquer l'apparition des dégénérescences neurofibrillaires.

En pratique, l'identification des gènes qui participent à la survenue de la maladie d'Alzheimer et à son évolution permettra de mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques à l'origine de cette affection. "Grâce à l'identification des protéines pour lesquelles ces gènes codent et des voies métaboliques alors mises en jeu, les pharmacologues et les laboratoires pharmaceutiques devraient pouvoir imaginer de nouveaux traitements", estime le spécialiste. La présence de ces gènes devrait aussi aider les médecins à mieux diagnostiquer les patients dès les premiers stades de la maladie et, pourquoi pas, à identifier les personnes les plus à risque. Ce qui sera particulièrement utile le jour où ils disposeront de médicaments efficaces à leur prescrire pour lutter contre l'évolution du mal, voire pour le prévenir.