Par Anne Jeanblanc

Cette découverte est majeure, mais il faudra des années avant qu'elle ait des retombées chez l'homme.

Pour la première fois, une équipe japonaise a réussi à produire des spermatozoïdes fertiles en culture. Cet exploit a été obtenu par le Pr Takehiko Ogawa et ses collègues de l'université de Yokohama, alors qu'aucune autre équipe n'avait pu produire de gamètes mâles, malgré de multiples tentatives réalisées dans le monde depuis des décennies. Ces travaux menés chez la souris, qui ont été publiés dans la revue Nature du 23 mars, pourraient contribuer à identifier les étapes impliquées dans la formation des spermatozoïdes, voire permettre à de jeunes garçons victimes de cancers de devenir pères ultérieurement.

En pratique, lors du stade de division cellulaire de la méiose, le nombre de chromosomes contenus dans le noyau de chaque gamète mâle est réduit de moitié. Et la fusion d'un spermatozoïde et d'un ovocyte donnera naissance à un oeuf composé pour moitié du patrimoine génétique paternel et pour moitié de celui provenant de la mère. Or, jusqu'à présent, tous les chercheurs restaient bloqués à ce stade de méiose et n'arrivaient pas à obtenir de spermatozoïdes. En changeant les méthodes utilisées par les autres laboratoires, l'équipe de Takehiko Ogawa a pu passer outre ce problème.

Une bonne nouvelle pour l'andrologie

"Ces chercheurs sont partis de biopsies de testicules prélevées chez des souriceaux nouveau-nés, et non plus de lignées cellulaires spécifiques", explique Ken McElreavey, qui dirige l'unité "génétique et développement humain" de l'institut Pasteur à Paris. "De plus, ils ne les ont pas mis dans un milieu de culture standard, contenant du sérum de veau foetal, mais dans un milieu sans sérum, souvent utilisé pour cultiver des cellules souches embryonnaires." Et, grâce à cet environnement cellulaire proche de la normale, ça a marché ! Au bout de quelques semaines, les cellules cultivées contenaient presque toutes le même nombre de chromosomes que les spermatozoïdes. De plus, près de la moitié avaient développé un flagelle.

"Mieux encore, ajoute le chercheur parisien, ces spermatozoïdes étaient fonctionnels. Les chercheurs ont obtenu, grâce à eux et par fécondation in vitro, des souriceaux apparemment en bonne santé. Mais attention, rien ne dit que ces spermatozoïdes sont totalement normaux." En d'autres termes, des études approfondies doivent maintenant être réalisées sur ces spermatozoïdes avant d'envisager un éventuel emploi de cette technique chez l'homme.

Cela va prendre des années. Si les tests sont concluants, les garçons prépubères devant subir une chimiothérapie ou une radiothérapie anticancéreuse susceptible de détruire leur fertilité pourraient en bénéficier. Mais avant cela, ces travaux doivent permettre de mieux comprendre les différentes phases de formation des spermatozoïdes, d'identifier les meilleurs moyens d'activer leur développement, et même de trouver de nouveaux moyens de lutte contre la stérilité masculine. Néanmoins, grâce à cette découverte, une nouvelle page vient de s'ouvrir dans le domaine de l'andrologie.