Source: CNRS-INSB

Grâce à la microscopie en temps réel, des chercheurs de trois laboratoires du CNRS sont récemment parvenus à observer le processus d'élongation de mycobactéries, à partir de la consommation des lipides intracellulaires qu'elles renferment précieusement au sein de leur cytoplasme. Cette étude a été publiée sur le site de la revue BBA - Molecular and Cell Biology of Lipids. Elle ouvre la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques, visant à cibler la dégradation des lipides pour freiner le développement des mycobactéries, telles que le bacille de Koch par exemple, associé à la tuberculose.

L'équipe de Stéphane Canaan au laboratoire d'Enzymologie Interfaciale et de Physiologie de la Lipolyse (EIPL, CNRS) étudie le rôle des lipides et des enzymes lipolytiques chez les mycobactéries, et plus particulièrement chez Mycobacterium tuberculosis, l'agent responsable de la tuberculose. Outre les lipides complexes qui constituent leur enveloppe, les mycobactéries sont capables de stocker des lipides dans leur cytoplasme. Ces lipides intracellulaires semblent favoriser l'entrée en dormance des mycobactéries dans les tissus, mais également leur réactivation, au cours de laquelle ces ressources lipidiques sont mobilisées. Ainsi, les lipides de réserve, principalement des triglycérides, semblent constituer des acteurs majeurs du processus de croissance des mycobactéries et de la propagation de la tuberculose.

En collaboration avec des chercheurs du Laboratoire de Chimie Bactérienne (LCB, CNRS) et du Laboratoire d'Ingénierie des Systèmes Macromoléculaires (LISM, CNRS), l'équipe de Stéphane Canaan a pour la première fois observé in vivo la consommation (lipolyse) des lipides de réserve, en parallèle de la croissance bactérienne chez Mycobacterium smegmatis, modèle d'étude de M. tuberculosis. Cette expérience, réalisée en temps réel grâce à l'utilisation de la microscopiede fluorescence et d'un appareillage mis au point au LCB, a en effet permis de montrer que la consommation des lipides est associée à la croissance cellulaire de la mycobactérie. En bloquant le mécanisme de dégradation des lipides intracellulaires par un inhibiteur de lipase, les scientifiques ont mis en évidence que la consommation des lipides contribue à environ 20% du processus d'élongation de la cellule bactérienne, ce qui lui confère de fait un rôle non négligeable dans le développement de la bactérie. En revanche, des cellules prélevées en phase stationnaire et traitées dans les mêmes conditions, ne sont plus capables, ni de consommer les lipides stockés ni de s'allonger, suggérant que ces bactéries sont rentrées en dormance (Film 3).

Ces travaux ouvrent la voie à d'autres études en temps réel de divers composés pouvant agir sur la croissance et la capacité d'infection des mycobactéries pathogènes, tels que les antibiotiques, les inhibiteurs ou les activateurs de voies métaboliques spécifiques. La lipolyse jouant un rôle important dans la croissance des mycobactéries, cette voie métabolique pourrait représenter une cible de choix pour le développement de nouveaux antibiotiques, en particulier des inhibiteurs de lipases.