Parkinson: reconstruction des circuits endommagés
Par Benje le samedi, avril 16 2011, 22:45 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS-INSB
La greffe de neurone dopaminergiques est une méthode de traitement
utilisée dans le traitement de la maladie de Parkinson. Dans un article
de revue publié dans Trends in Neurosciences, deux chercheurs de l'Institut de Physiologie et Biologie Cellulaires mettent en lumière une piste alternative dans le domaine
de la greffe cellulaire, celle de la transplantation homotopique, qui
consiste à transplanter les cellules dans les régions dégénérées et non
dans les structures cibles. Les scientifiques font alors état des
derniers travaux qui montrent que le cerveau adulte est permissif à la
repousse axonal des neurones transplantés, d'une manière spécifique et à
grande distance, avec une amplitude non soupçonnée auparavant.
La maladie de Parkinson est une maladie neurodégénérative, qui apparaît
habituellement entre 45 et 70 ans. Elle est principalement caractérisée
par la mort d'un groupe restreint de neurones, les neurones à dopamine,
au sein d'une petite région du cerveau, la substance noire. Les neurones
de cette région émettent des projections touchant le striatum, formé
par le noyau caudé et le putamen. Ces structures font partie d'un
ensemble plus vaste de structures corticales et sous-corticales,
appelées ganglions de la base.
Les traitements pharmacologiques qui existent contre
la maladie doivent généralement être administrés sur un long terme, ce
qui induit une baisse progressive de leur efficacité et des effets
secondaires indésirables. D'autres approches ont alors été développées,
comme par exemple les transplantations de cellules embryonnaires dans le
striatum. À ce jour, plus de 500 patients dans le monde
ont déjà bénéficié de cette procédure thérapeutique. Des études
cliniques ont pu montrer que les malades parkinsoniens qui ont reçu une
transplantation striatale, ont présenté une réduction d'environ 30% du
déficit dopaminergique et une diminution importante des troubles
moteurs. Néanmoins, les améliorations obtenues sont limitées et peuvent
êtres transitoires dans l'état actuel de la technique.
La greffe cellulaire dans la maladie de Parkinson est essentiellement
pratiquée dans le striatum, structure cible, et non dans la substance
noire, structure dégénérée, car on pensait que les neurones greffés
étaient incapables d'émettre des axones à longue distance au sein du
cerveau adulte pour atteindre la cible. La revue rédigée par Afsaneh
Gaillard et Mohamed Jaber, de l'Institut de Physiologie et Biologie
Cellulaire (IPBC), est justement consacrée à cette question. Elle
reprend des travaux récents, parmi lesquels on trouve ceux d'Afsaneh
Gaillard et son équipe, qui montrent que le cerveau adulte est permissif
à la repousse axonale : les neurones embryonnaires transplantés sont
capables d'étendre des prolongements à plus longue distance que ce que
les chercheurs supposaient initialement. A partir de ces résultats, les
auteurs proposent donc de réaliser les greffes cellulaires non pas dans
le striatum, mais directement au sein de la structure lésée, la
substance noire.
La greffe intranigrale plutôt qu'intrastriatal semble présenter de
nombreux avantages dans la maladie de Parkinson. En transplantant les
neurones dopaminergiques dans la substance noire, les cellules
pourraient rétablir la connectivité physiologique nigro-striatale et le
greffon pourrait exercer une influence neurotrophique bénéfique sur les
neurones endommagés ou encore intacts, au sein de la structure
dégénérée. En effet, les chercheurs ont démontré chez le rongeur, modèle
animal de la maladie de Parkinson, que les neurones transplantés dans
la structure lésée parviennent à atteindre leur cible striatale,
augmentent les niveaux de dopamine manquants et corrigent les déficits
moteurs observés chez l'animal après la lésion. Ces travaux sont à
rapprocher d'autres résultats, obtenus dans un modèle de lésion du
cortex où, la aussi, des neurones embryonnaires greffés au sein du
cortex moteur lésé sont capables
d'envoyer des axones à très longue distance et d'une manière
physiologiquement appropriée, vers les structures cibles.
Jusqu'à présent les cellules neuronales utilisées dans la
transplantation sont issues d'embryons avortés, ce qui pose certains
problèmes éthiques, logistiques, politiques et médicaux. En
collaboration avec l'équipe de Pierre Vanderhaeghen à l'Institut de
Recherche Interdisciplinaire
en Biologie Humaine et Moléculaire en Belgique, Afsaneh Gaillard a
réussi à obtenir des neurones corticaux à partir de cellules souches, et
ces cellules se sont elles aussi avérées capables, après greffe, de
projeter des axones vers des structures cibles corticales et
sous-corticales.
L'ensemble de ces travaux ouvre la possibilité de réparer les structures
lésées au fur et à mesure que la maladie de Parkinson s'installe et de
rétablir une connectivité plus proche de la normale dans le cerveau
adulte. Cette nouvelle approche devrait améliorer la survie du greffon
et rétablir de manière physiologique les voies dégénérées, mais
également protéger les cellules restantes de la progression de la
pathologie. Néanmoins, ces résultats ont été obtenus chez les rongeurs.
Il faudrait maintenant les reproduire dans des modèles animaux plus
proches de l'homme, tel que le singe, avant d'envisager des applications
chez l'homme.