Identification d'un nouveau groupe de mutations génétiques
Par Benje le vendredi, avril 22 2011, 18:10 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS
Pour la première fois, Patrick Edery du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (Inserm/CNRS/Université de Lyon 1), Anne-Louise Leutenegger de l'unité Inserm 946 "Variabilité génétique et maladies humaines" à Paris et leurs collaborateurs ont décrit un nouveau groupe de mutations génétiques grâce au séquençage du génome. Les chercheurs ont montré l'implication d'un petit ARN dans une maladie génétique chez l'Homme (syndrome de Taybi-Linder). Ce petit ARN, appelé ARNsn – pour Small Nuclear ARN – intervient lors d'une étape cruciale qui précède la synthèse des protéines. La découverte de mutations sur l'ARNsn permettrait à terme l'identification rapide de gènes impliqués dans le développement du cerveau, des os et d'autres tissus. Des perspectives thérapeutiques pourraient en découler. Ces résultats sont publiés dans la revue Science datée du 8 avril 2011.
Lors du développement embryonnaire, l'information
génétique supportée par l'acide désoxyribonucléique (ADN), organisé en
gènes, subit plusieurs opérations qui mènent à la synthèse des protéines
qui constituent l'organisme.
Cette information est d'abord transcrite en acide ribonucléique (ARN)
messager puis traduite en protéines. Chez les eucaryotes, il existe une
étape intermédiaire de maturation de l'ARN pré-messager. Ce processus,
connu sous le nom d' "épissage de l'ARN", est rendu possible par
l'action du "spliceosome", un outil particulier constitué de petits ARNsn (1)
et de protéines. Ce complexe permet d'enlever les parties non codantes
de l'ARN pré-messager que l'on appelle "introns" et de souder celles qui
sont codantes, appelées "exons", qui seront utilisées lors de la
synthèse des protéines.
Les chercheurs révèlent ici une anomalie au sein du "spliceosome" qui
est un acteur essentiel en amont de la synthèse des protéines, dès le
développement embryonnaire et durant toute la vie pré- et postnatale.
Les scientifiques ont identifié une anomalie au niveau d'un des petits
ARNsn du spliceosome chez des patients présentant un décès rapide
post-natal et des malformations graves du cerveau, des os et d'autres
tissus (nanisme microcéphalique primordial de type 1, MOPD1, ou syndrome
de Taybi-Linder, TALS). "Dans un premier temps, l'utilisation d'une
nouvelle méthode statistique (2) a permis de
localiser le défaut génétique sur une petite région du chromosome 2.
Ensuite, les dernières techniques de séquençage haut-débit ont rendu
possible l'identification de 4 mutations liées à l'ARNsn dont le nom est
U4atac", souligne Anne Louise Leutenegger. Selon les chercheurs, ces
mutations sont responsables de la mort précoce quelques mois
après la naissance et des malformations sévères du cerveau et des os,
observées chez les patients atteints du syndrome de Taybi-Linder (3).
"Grâce à cette découverte, il est maintenant possible de proposer un
diagnostic prénatal précoce de cette affection très grave, mais au-delà,
l'identification des protéines perturbées par cette anomalie pourrait
permettre d'envisager des stratégies thérapeutiques permettant d'éviter
le décès", explique Patrick Edery.
Plus important encore, il s'agit de la première implication d'un petit
ARNsn du complexe "spliceosome" dans une maladie génétique. Ce travail
indique qu'un épissage efficace, c'est-à-dire la maturation de l'ARN
pré-messager, est nécessaire pour un développement embryonnaire normal
et pour la vie post-natale chez l'homme. En effet, une anomalie observée
en amont de la synthèse des protéines a des répercutions importantes
sur l'ensemble des étapes du développement embryonnaire et postnatal des
individus.
"La découverte de ce nouveau mécanisme responsable d'anomalies du
développement devrait permettre, grâce à la technique de séquençage du
génome, d'identifier de nombreux gènes impliqués dans de graves
malformations génétiques", conclut Patrick Edery.
Notes:
(1) ARNsn: Small Nuclear Ribonucleic Acid / Petit Acide RiboNucléique contenu dans le noyau de la cellule
(2) Using genomic inbreeding coefficient estimates for homozygosity
mapping of rare recessive traits: application to Taybi-Linder syndrome.
Leutenegger AL, Labalme A, Genin E, Toutain A, Steichen E, Clerget-Darpoux F, Edery P.
Am J Hum Genet. 2006; 79(1):62-6
(3) MOPD1 ou syndrome de Taybi-Linder: une maladie génétique grave
pouvant induire un décès juste après la naissance ou des malformations
graves du cerveau, des os et d'autres tissus. A ce jour, la prévalence
de la maladie est inconnue et environ 30 cas ont été décrits dans la
littérature.