Source: Robin Renaud - Université de Sherbrooke (Canada)

Une nouvelle étude menée à l'Université de Sherbrooke démontre pour la première fois la présence de pesticides, connus pour fonctionner avec les cultures génétiquement modifiées, dans le sang de femmes enceintes, de fœtus et de femmes non enceintes. Cette catégorie de pesticides désigne deux groupes : les herbicides à base de glyphosate ou de glufosinate et les insecticides comme la toxine Bt.

Les résultats d'analyse démontrent la présence du métabolite du glufosinate (3-MPPA) dans le sang de 100 % des femmes enceintes et cordons ombilicaux étudiés, ainsi que la présence de la toxine Bt dans le sang de 93 % des femmes enceintes et 80 % de cordons ombilicaux analysés.

Dans le sang de 39 femmes non enceintes, le glyphosate a été détecté dans une proportion de 5 % des cas; le glufosinate dans 18 % des cas; le 3-MPPA dans 67 % des cas; et la toxine Bt dans 69 % des cas. L'étude est conduite par le professeur Aziz Aris, du Département d'obstétrique et gynécologie de la Faculté de médecine et des sciences de la santé. L'article est paru dans la revue Reproductive Toxicology. Le lien pour télécharger l'article est fourni en fin de texte.

L'origine alimentaire?

L'étude a concerné 69 femmes vivant à Sherbrooke, dont 30 étaient enceintes et 39 ne l'étaient pas. Les femmes sélectionnées et leurs conjoints ne sont pas connus pour travailler au contact de pesticides et leur alimentation est typique d'une zone urbaine du Canada. La présence de pesticides dans leur sang serait donc essentiellement issue de l'alimentation. L'auteur précise que la présence de ces pesticides dans le panier alimentaire n'a pas été examinée, mais il est concevable que la majorité de la population y soit exposée, vu l'omniprésence des OGM dans notre alimentation quotidienne (maïs, pommes de terre, soja, etc).

OGM : cultures en croissance

Parmi les cultures génétiquement modifiées tolérantes aux herbicides, le soja a été la première à être cultivée. Autorisée en 1996, la culture d'aliments génétiquement modifiés a explosé, voyant la superficie des terres cultivées multipliée par 80. La combinaison de plantes génétiquement modifiées à des pesticides vise à protéger les cultures désirables et à éliminer des plantes indésirables en réduisant la compétition pour les nutriments ou en fournissant la résistance aux insectes.

Ces aliments génétiquement modifiés sont conçus pour tolérer des herbicides tels que le glyphosate et le glufosinate ou des insecticides tels que les toxines bactériennes du bacille thuringiensis (toxine Bt). L'étude menée à Sherbrooke visait à identifier chez les femmes et les fœtus la présence de ces trois substances - ainsi que deux métabolites associés aux herbicides, soit l'acide phosphorique aminométhyl (AMPA) et l'acide (3-MPPA).

De la mère à l'enfant

«Un échange optimal dans l'unité foeto-maternelle est nécessaire pour une grossesse réussie, explique Aziz Aris. Le placenta joue un rôle majeur dans le développement foetal, dans la régulation des fonctions endocrines et de biotransformation des médicaments.» Ces échanges impliquent non seulement des constituants nutritionnels, mais aussi les substances xénobiotiques qui représentent un risque pathologique pour le foetus, notamment les médicaments, les additifs alimentaires, les pesticides et les polluants. Or, en confirmant la présence de deux substances, soit le 3-MPPA et la toxine Bt chez la femme enceinte, le foetus ainsi que les femmes non enceintes, cette étude constitue une première, ouvrant la voie à un nouveau champ de toxicologie de la reproduction, avec des aspects touchant à la nutrition et aux toxicités utéro-placentaires.

Effets inconnus

Selon le professeur Aris Aziz : «Une meilleure compréhension des échanges des xénobiotiques dans l'unité foeto-maternelle devrait servir de base pour l'utilisation du placenta comme un outil pour étudier et prédire certains aspects de la toxicité visant le développement des foetus.» Citant plusieurs études, le professeur Aris rappelle que des conditions pathologiques dans le placenta sont des causes importantes de décès intra-utérin ou périnatal, d'anomalies congénitales, de retard de croissance intra-utérin, de mortalité maternelle, et beaucoup de morbidité pour la mère et l'enfant. Compte tenu de la toxicité potentielle de ces polluants environnementaux et la fragilité du fœtus, d'autres études plus approfondies sont nécessaires, indique le chercheur. L'étude menée par le professeur Aris fait partie d'une recherche clinique financée par le Fonds de la recherche en santé du Québec.

Information complémentaire : Télécharger l'article paru dans Reproductive Toxicology (en document PDF) (299,54 ko)