L'architecture vernaculaire étudiée avec des maquettes
Par Benje le mardi, mai 10 2011, 21:32 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: Pascale Guéricolas - Université Laval
Comment les humains habitent-ils leur planète et comment tissent-ils des liens avec leur environnement et le milieu
qu'ils habitent ? C'est ce qu'ont tenté de comprendre les étudiants du
cours d'architecture vernaculaire d'André Casault, en fabriquant, en
équipe de deux, des maquettes représentant des habitations de pierre de
l'île de Santorin en Grèce, les premières maisons sédentaires des Innus
de Pessamit ou encore la yourte mongole adaptée pour les parcs
québécois. Faire une maquette la plus réaliste possible d'un habitat
innu, polynésien, québécois, yéménite, chinois ou autre leur a aussi
permis de mieux comprendre comment l'architecture d'une maison ou d'un bâtiment répond à des facteurs comme le climat, le lieu de résidence, l'organisation sociale ou encore les mythes d'un peuple.
Il devient très rare pour les architectes d'aujourd'hui de produire des
reproductions en miniature des maisons ou des édifices qu'on leur
commande. Les dessins à l'ordinateur ou des esquisses en 3D permettent
aux utilisateurs de comprendre leur création. D'où l'intérêt pour un
étudiant comme John Voisine de se frotter à cette nouvelle réalité.
"Pour bâtir les façades, construire les pièces de notre maison tour
yéménite de Sanaa, il a fallu les comprendre dans leurs moindres
détails, les dessiner en coupe, souligne ce bachelier en urbanisme. Il y
a peu de chances que je construise une maison de ce type dans ma
carrière, mais je pourrais utiliser certains éléments stylisés dans
d'autres constructions"
En compagnie de son collègue Thomas Starc, l'étudiant a reconstitué une
construction de plusieurs étages telle que les habitants de la capitale
yéménite en bâtissent depuis 400 ans. Habitées traditionnellement par
les riches marchands pourvus de plusieurs épouses, ces maisons tours
accueillaient, à chaque étage, une femme et ses enfants, le maître des
lieux se réservant les derniers niveaux pour notamment recevoir. Un
ingénieux système de collecte des eaux usées permettait d'arroser le
jardin intérieur. Julien Roy-Beauchamp et Carl Latulipe-Hébert ont eux
aussi revisité un mode de vie traditionnel, celui des habitants de Pékin
qui demeuraient dans des maisons donnant sur une cour. Les deux
étudiants ont eu accès aux photos et aux dessins de leur professeur
André Casault qui avaient rencontré une famille du Vieux-Pékin en 1985.
Leur maquette rend compte de la vie des trois générations Huo qui
partagent une cour commune en disposant chacune d'une série de pièces de
plain-pied.
"À mon retour en Chine, il y a deux ans, j'ai pu rencontrer à nouveau
les Huo dont la maison a été démolie, témoigne le professeur à l'École
d'architecture. Ils vivent désormais en banlieue de Pékin, mais les trois générations habitent ensemble un grand appartement. Une solution
qui leur convient." Selon André Casault, construire une maquette avec
minutie permet à ses étudiants de plonger dans le mode de vie des gens,
de s'imprégner de l'histoire d'une habitation. Une expérience qu'a vécue
intensément Johannie Dubé en faisant la connaissance d'une famille
innue à Pessamit sur la Côte-Nord. En compagnie de son coéquipier
Louis-Xavier Gadoury, l'étudiante a minutieusement mesuré la maison de
1954, agrandie au fil des 15 enfants qui ont vu le jour et
des subventions liées au logement. "Pour la maquette, nous avons pris
soin de respecter les types de revêtement de plancher à l'intérieur, ou
même l'usure de la neige sur le terrain, note Johannie. On voulait
vraiment rester le plus proche possible de la réalité." Ce travail a
conforté l'étudiante en architecture dans son désir de construire une résidence pour les gens qui vont l'habiter, en s'efforçant de prendre en compte leurs besoins et leur culture.
En construisant un refuge forestier au milieu d'un bout de forêt dans
Bellechasse, Sédric Bolduc et Alexis Ruelland ont pris conscience de
l'importance du site pour ceux qui l'habitent. Écologiste avant l'heure
et amoureux des arbres, le grand-père d'Alexis s'est bricolé un abri
proche de la source qu'il protège depuis plusieurs décennies. "Il veut
profiter de la nature sans la déranger, témoigne son petit-fils. Pour
lui, la beauté de l'environnement est bien plus importante que
l'aménagement de son abri, construit à partir d'un ancien camion
réfrigéré." En discutant de sa vision de la planète, l'étudiant en architecture a pris conscience que certains lieux génèrent chez leurs habitants une
spiritualité qui transcende bien des modes et des styles de
construction. De quoi donner une leçon d'humilité aux futurs bâtisseurs.
Jusqu'au 8 mai prochain.