Sous l'effet de la rouille, l'immunité des plantes se grippe
Par Benje le mardi, mai 10 2011, 22:06 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Les génomes des champignons responsables de la rouille noire du blé et
de la rouille foliaire du peuplier ont été décryptés et analysés par un
consortium international associant des chercheurs de l'INRA et du CNRS entre autres. Cette analyse met en évidence la présence d'un grand nombre
de gènes chez ces deux champignons pathogènes, jusqu'ici encore jamais
identifiés chez d'autres espèces. Ces gènes permettent la synthèse de
protéines utilisées par les champignons pour neutraliser le système
immunitaire de leurs hôtes respectifs. Ces nouvelles données seront utiles pour
identifier les facteurs permettant aux rouilles de contourner les
résistances à la maladie chez le blé et le peuplier. L'ensemble de ces
résultats est publié dans l'édition en ligne avancée de la revue PNAS du 2 Mai 2011.
Comprendre les caractéristiques biologiques des propriétés invasives des
champignons pathogènes des plantes permet à terme d'envisager des
solutions plus durables pour s'en débarrasser. Causées par différentes
espèces de champignons microscopiques, les maladies communément appelées
"rouilles" causent des dégâts conséquents chez de nombreuses plantes
d'importance agronomique, comme le blé, le soja, le caféier ou encore le
peuplier. Dans une nouvelle étude, un consortium international de
chercheurs qui associe notamment les centres INRA de Nancy et de
Versailles, l'université Henri Poincaré – Nancy 1 ainsi qu'une équipe
mixte CNRS/Université d'Aix-Marseille a séquencé et réalisé une analyse
comparative des génomes de la rouille du blé et du peuplier. Ces
maladies sont causées par des champignons dits biotrophes (1),
c'est-à-dire qu'ils se nourrissent de leurs plantes hôtes tout en les
maintenant en vie. Ces champignons affaiblissent fortement les plantes
attaquées et causent des baisses importantes de rendements en culture. La croissance et la reproduction des rouilles sont entièrement dépendantes des plantes dont ils sont pathogènes.
Le séquençage des génomes des champignons responsables de la rouille noire du blé (Puccinia graminis f. sp. tritici) et de la rouille foliaire du peuplier (Melampsora larici-populina)
livre des résultats majeurs pour la compréhension du caractère
parasitaire de la rouille. Ainsi, les génomes des rouilles ont des
tailles importantes et un très grand nombre de gènes (plus de 16000 chez les deux champignons). Parmi ceux-ci, plus
de la moitié correspondent à de nouveaux gènes non identifiés
auparavant chez d'autres pathogènes des plantes. Notamment, les génomes
des rouilles présentent la particularité de pouvoir synthétiser plus
d'un millier de protéines (dont la majorité sont spécifiques aux
rouilles), ayant le profil typique d'effecteurs. Ces effecteurs sont des
petites protéines sécrétées qui permettraient de neutraliser les
systèmes de défense des plantes lors de l'infection. Les génomes des
rouilles Melampsora larici-populina et Puccinia graminis contiennent également une très large proportion d'éléments transposables (2).
Ces derniers ont pu contribuer à des innovations chez les rouilles,
notamment en favorisant la diversification de nouveaux gènes lors de la
co-évolution avec les plantes-hôtes.
Les rouilles sont des maladies très difficiles à étudier du fait de leur
mode de vie biotrophe obligatoire. Très peu de rouilles ont pu être
isolées et maintenues artificiellement en laboratoire. Le séquençage de
ces deux génomes constitue donc une avancée importante dans le domaine
de la pathologie végétale du fait de l'importance des maladies des
rouilles sur les plantes de grandes cultures d'intérêt agronomique. Ces
résultats devraient permettre une meilleure compréhension des mécanismes
permettant la mise en place de la biotrophie.