Source: CNRS-INSU

Des chercheurs du Laboratoire d'aérologie (LA, Université de Toulouse / CNRS) ont réalisé une étude détaillée d'un épisode de précipitations intenses dans la région du lac Majeur en Italie du nord à l'aide d'observations radar obtenues durant la campagne internationale MAP (Mesoscale alpine programme) et de simulations numériques par le modèle Méso-NH. Ils ont ainsi pu identifier et quantifier les processus physiques et microphysiques impliqués dans le déclenchement et l'évolution de ce système pluvieux et montrer comment la présence du lac influe sur le développement des précipitations.

La Méditerranée peut être considérée comme un réservoir de chaleur. Pendant l'été, elle accumule l'énergie solaire qu'elle restitue à l'automne aux masses d'air, les rendant humides et potentiellement instables. Transportées par les vents jusqu'au-dessus des terres, ces masses d'air peuvent alors y subir un forçage orographique, une condition favorable au développement de pluies intenses aux conséquences parfois dramatiques, comme les régions préalpines méditerranéennes en connaissent régulièrement à l'automne.

Afin de décrire précisément les processus physiques et microphysiques impliqués dans de telles situations lorsqu'un lac est présent, trois chercheurs du Laboratoire d'aérologie ont décidé d'utiliser conjointement des données radar et des simulations numériques.

Les données radar utilisées proviennent de la campagne internationale MAP (Mesoscale alpine programme) réalisée en 1999 et dont l'objectif était d'améliorer les connaissances sur la physique des principaux risques météorologiques en montagne (fortes pluies, forts vents de vallée et turbulence d'altitude). Lors de cette campagne, trois radars Doppler permettant d'évaluer les vitesses de déplacement de l'air à l'intérieur du nuage avaient été utilisés, dont un à double polarisation permettant de déterminer le contenu microphysique du nuage c'est-à-dire la nature des hydrométéores qu'il contient. Disposés autour du lac Majeur, ils avaient permis aux chercheurs d'observer plusieurs systèmes de précipitations orographiques intenses et ainsi de commencer à comprendre les rôles respectifs joués par le lac et le massif alpin dans le développement et l'évolution de ces systèmes.

En tant que source d'humidité, le lac favorise un phénomène local de convection en permettant l'enrichissement du contenu en eau du nuage, puis le développement de la pluie par coalescence à basse altitude du fait des mouvements ascendants qui maintiennent en suspension les gouttes d'eau dans le nuage. Les premiers massifs alpins, en bordure du lac, assurent quant à eux un forçage orographique qui permet un renforcement rapide des précipitations. En moins d'une heure, de fortes précipitations peuvent ainsi se développer localement dans un environnement de pluie modérée.

Pour compléter ces observations, les trois chercheurs ont réalisé des simulations, à l'aide du modèle numérique Meso-NH, d'un épisode de précipitations orographiques intenses qui s'est produit en septembre 1999. Ils ont ainsi pu quantifier les différents types d'hydrométéores présents au sein du système étudié et décrire précisément les processus microphysiques impliqués dans leur formation.

Durant la phase d'initiation, les hydrométéores glacés, essentiellement localisés au-dessus du relief, sont en faible proportion par rapport aux hydrométéores liquides, lesquels sont plutôt situés au-dessus du lac. C'est donc une microphysique "chaude", liée au lac, qui caractérise d'abord le système, les ascendances n'étant pas assez intenses pour permettre le développement d'hydrométéores glacés à de plus hautes altitudes.

Durant la phase de développement du système, les précipitations liquides s'intensifient au-dessus du lac et des premiers reliefs par renforcement des ascendances convectives (favorisées par la libération de chaleur latente qui accompagne le processus de solidification au-dessus de l'isotherme 0°C) et orographiques (dues à une modification de trajectoire du vent qui devient davantage perpendiculaire au relief). Les ascendances convectives particulièrement fortes en altitude entraînant l'eau toujours plus haut, la quantité d'hydrométéores glacés augmente considérablement jusqu'à des altitudes élevées (10 km) au-dessus des montagnes. C'est donc désormais une microphysique "froide", liée au relief, qui domine avec une forte concentration de cristaux de glace au-dessus de 5 km d'altitude, ainsi que de graupel et de grêle entre 2,5 et 8 km d'altitude. Lors de leur passage "à travers" l'isotherme 0°C, la fonte des hydrométéores glacés augmente la quantité de pluie. Le rôle de la phase glace dans le renforcement des précipitations liquides est ainsi clairement établi même si la coalescence chaude (autoconversion de gouttelettes nuageuses en gouttes de pluie et accrétion de gouttelettes par les gouttes) reste un processus actif pour la formation et la croissance de la pluie.

Enfin, le modèle Méso-NH a également permis de mettre en évidence la présence, en quantité non négligeable et jusqu'à 6 km d'altitude, de gouttelettes d'eau surfondue trop petites pour être détectées par radar. Cette information précieuse pour l'étude détaillée des processus microphysiques illustre à elle seule l'intérêt d'utiliser la modélisation en complément des observations.