La transcription d'un gène est un processus fort complexe qui vient pour la première fois d'être observé en temps réel grâce à des équipements très sophistiqués et une méthode de marquage unique. Cette avancée, qui permet de mieux comprendre le processus de transcription génétique, a été réalisée à l'Albert Einstein College of Medicine de l'Université Yeshiva, à New York, par une équipe dont fait partie Daniel Zenklusen, professeur au Département de biochimie de l'Université de Montréal. Une partie de ces travaux, dont les résultats étaient publiés dans l'édition du 22 avril de la revue Science, a été effectuée au laboratoire du professeur Zenklusen.

L'exploit tient au fait que l'équipe a pu procéder à cette observation à partir du marquage d'un seul gène dans un organisme unicellulaire vivant, soit une cellule de levure. Pour y parvenir, les chercheurs ont inséré des protéines fluorescentes dans le gène, ce qui a permis d'examiner la synthèse de l'ARN messager et de suivre l'expression de la totalité du gène. L'observation a été faite à l'aide de capteurs ultrasensibles initialement conçus pour des instruments d'astronomie.

"Il est très difficile d'étudier une molécule individuelle dans une cellule vivante parce que le signal est trop faible, explique le professeur. Nous avons dû perfectionner la méthode de marquage, qui était déjà très sophistiquée. La levure a été utilisée parce que c'est un organisme qui peut facilement être modifié au moyen de cette technique. Nous avons ciblé le plus long des 6000 gènes de cette cellule afin de pouvoir observer une durée de transcription plus longue."

Plus précisément, les chercheurs ont pu scruter l'activité de l'ARN polymérase, qui est l'étape enzymatique précédant la formation de l'ARN messager, et chacune des trois phases de la transcription, soit l'initiation, l'élongation et la terminaison.

Fréquence de transcription

Outre l'avancée technologique, cette étude a permis de découvrir que la fréquence de transcription d'un gène est déterminée par un processus très simple, plus simple même que l'imaginaient jusqu'ici les chercheurs. "Plusieurs modèles possibles de régulation de la fréquence de transcription ont été proposés, mais nous avons pu voir que, au moins pour certains promoteurs, cette fréquence repose tout bonnement sur le nombre de facteurs de transcription présents dans le noyau", précise Daniel Zenklusen.

Un facteur de transcription est une protéine qui se fixe sur le promoteur du gène, c'est-à-dire la séquence d'ADN précédant le gène et qui en détermine le niveau d'expression. L'initiation de la transcription apparait, selon cette étude, comme un fait aléatoire dépendant du succès des facteurs de transcription à se fixer sur les promoteurs. "Si nous pouvons déterminer le nombre de facteurs de transcription spécifiques d'un gène, nous aurons la fréquence exacte de son expression", affirme le chercheur.

Daniel Zenklusen poursuit ses travaux dans ce domaine afin de savoir comment les cellules individuelles régulent l'expression de leurs gènes et si la transcription est identique selon les différents types de promoteurs. "Comparativement aux cellules animales, les promoteurs de la levure sont extrêmement simples. Mais comprendre le mécanisme de base dans un processus simple nous aidera à mieux saisir le même processus dans des conditions plus complexes comme celles des cellules humaines", espère-t-il.

Le chercheur s'intéresse aussi aux phénomènes qui surviennent après la transcription de l'ADN comme le transport de l'ARN du noyau vers le cytoplasme. "Les techniques de marquage mises au point dans ces travaux ainsi que les capacités des microscopes modernes nous font entrer dans une nouvelle dimension en nous permettant d'observer en temps réel ces processus cellulaires", se réjouit Daniel Zenklusen.

L'étude a été menée sous la direction du Dr Robert Singer, de l'Albert Einstein College of Medicine.