Vidéo: signature neuronale de la conscience
Par Benje le mercredi, juin 1 2011, 17:02 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: Université de Liège
Une signature neuronale de la conscience découverte grâce à l'étude des comas. Des études récentes ont démontré que des patients avec des dommages très sévères du cerveau et qui présentent peu de signes extérieurs de perception ou de compréhension peuvent ressentir la douleur et même avoir un degré de conscience (1). Dès lors, de meilleures méthodes d'évaluation de la conscience chez ces patients pourraient aider les médecins à mieux les traiter et préciser leur pronostic ; elles pourraient aussi donner aux familles une indication sur le fait de savoir si leur proche est conscient ou non de leurs visites.
Cette semaine, dans la revue Science, une étude liégeoise décrit un nouveau "test de la conscience" qui pourrait représenter une étape dans cette direction. L'équipe a enregistré les réponses électriques du cerveau à différents types de "clics" auditifs en utilisant l'électroencéphalographie (EEG) à haute densité. En utilisant un modèle sophistiqué, les chercheurs ont pu identifier une signature neuronale de la conscience qui est présente chez les personnes saines et chez des patients avec un niveau minimal et fluctuant de conscience, mais pas chez les patients inconscients ou "végétatifs" (3). L'étude représente un pas de plus vers notre compréhension d'une des plus grandes énigmes scientifiques: comprendre comment émergent, de l'ensemble des millions de milliards de connexions du cerveau humain, la perception consciente et nos pensées. (2)
Les recherches cliniques dirigées par Mélanie Boly et Steven Laureys au Coma Science Group (Centre de recherches du Cyclotron et Service de neurologie de l'ULg et CHU de Liège) ont collecté des enregistrements EEG chez 22 volontaires sains et 21 patients qui ont survécu à un coma. Parmi ceux-ci, 8 étaient dans un état d'éveil inconscient (dit "végétatif"), caractérisé par la présence de réponses réflexives, et 13 étaient dans un état de "conscience minimale", une atteinte moins profonde dans laquelle les patients ont des épisodes occasionnels de réactivité (par exemple, suivre une personne des yeux ou repousser une stimulation douloureuse).
Les chercheurs ont fait les enregistrements EEG alors que les sujets
écoutaient une série de tonalités. Des études antérieures avaient révélé
que la réponse électrique du cerveau change quand la fréquence des
tonalités change. Cette réponse diminue pendant le sommeil et sous
anesthésie, suggérant ainsi aux chercheurs qu'elle pouvait être un
indicateur de la conscience. Les recherches de l'équipe liégeoise ont
établi que chez les patients inconscients ou "végétatifs", cette réponse
était faible et fugace, d'une durée inférieure à un dixième de seconde.
Pour enquêter sur les raisons du caractère transitoire de cette réponse,
le Dr Mélanie Boly et ses collègues ont collaboré avec le
neuroscientifique Karl Friston et son équipe de l'University College de
Londres, qui ont développé des méthodes mathématiques permettant aux
chercheurs de déduire le réseau de régions cérébrales dont l'activité
donne lieu à un signal
EEG. Les études antérieures de l'équipe liégeoise avaient déjà permis
d'identifier un "réseau de la conscience" comprenant la matière grise
fronto-pariétale et de mettre en évidence le rôle critique de la
communication ou la connectivité dans ce réseau.
Le recours à la technique de leurs collègues anglais a permis aux
chercheurs liégeois de valider leur hypothèse et préciser les
mécanismes. "Notre étude suggère que pour être conscient, il faut des
connexions descendantes ("top-down") complétant une boucle de
rétroaction", explique le Dr Mélanie Boly. Le Pr Steven Laureys insiste:
"Ce n'est encore qu'un début, des études en cours vont évaluer la
valeur pronostique de cette nouvelle technique."
Notes: (1) Willful modulation of brain activity in disorders of consciousness,
Monti MM & Vanhaudenhuyse A, Coleman MR, Boly M, Pickard JD,
Tshibanda JF, Owen AM, Laureys S
New England Journal of Medicine (2010) 362(7):579-89. Lire l'article de
vulgarisation sur le site Reflexions de l'Université de Liège, Un
improbable dialogue, mars 2010.
(2) Preserved feedforward but impaired top-down processes in the
vegetative State, Boly M, Garrido MI, Gosseries O, Bruno MA, Boveroux P,
Schnakers C, Massimini M, Litvak V, Laureys S, Friston K, article
publié dans la revue Science ce 13 mai 2011.
(3) Un patient en état "végétatif" montre uniquement des mouvements
réflexes. S'il peut faire plus que des mouvements réflexes mais sans
possibilités de communiquer, le patient est décrit en état de conscience
minimale. Un patient en état végétatif présente un moins bon pronostic
médical que celui en état de conscience minimale. Etablir le bon
diagnostic est important non seulement pour les décisions de fin de vie
mais aussi pour l'accompagnement thérapeutique et antidouleur. En effet,
l'équipe de l'Université de Liège a récemment montré que les patients
en état de conscience minimale ressentent la douleur (M. Boly et al.,
Lancet Neurology, 2008) ainsi que les émotions (S. Laureys, Neurology,
2004).