Alcool pendant la grossesse: chaque verre compte
Par Benje le mardi, juin 7 2011, 23:22 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Même une faible exposition prénatale à l'alcool laisserait des traces durables sur la réponse au stress chez l'enfant.
Y a-t-il un seuil sécuritaire de consommation d'alcool pendant la
grossesse ? Il semble que non, suggère une étude publiée par une équipe
de psychologues dans un récent numéro de la revue Psychopharmacology.
Selon les résultats de cette étude, même une faible exposition
prénatale à l'alcool a une incidence sur la réponse au stress des
enfants 19 mois après leur naissance.
Les preuves des effets à long terme d'une consommation élevée d'alcool
pendant la grossesse ne manquent pas. Par contre, les conclusions des
études portant sur les répercussions d'une consommation faible à modérée
divergent. Isabelle Ouellet-Morin, Ginette Dionne, Gina Muckle et
Michel Boivin, de l'École de psychologie, et leurs collègues montréalais
Sonia Lupien, Sylvana Côté, Daniel Pérusse et Richard E. Tremblay ont
eu recours à des données amassées au cours d'une étude à long terme sur
des enfants québécois pour apporter un nouvel éclairage sur ce sujet
controversé.
Les chercheurs ont d'abord quantifié l'exposition prénatale à l'alcool
de 130 enfants à partir des réponses fournies par leur mère au sujet de
sa consommation d'alcool pendant la grossesse. Les mères qui ont pris
part à cette étude avaient une consommation d'alcool très modérée: 62 %
d'entre elles disaient ne pas avoir pris une goutte d'alcool
lorsqu'elles étaient enceintes. Les autres rapportaient avoir consommé
occasionnellement de l'alcool (moins d'un verre par semaine dans 95 %
des cas) pendant 1 trimestre (19 %), deux trimestres (3 %) ou trois
trimestres (16 %). Pour les besoins de l'étude, elles ont été scindées
en deux groupes: le premier regroupait les femmes qui avaient eu une
consommation continue pendant la grossesse, et le second, celles qui
avaient eu une consommation sporadique ou nulle.
La réponse au stress chez les enfants des participantes a été mesurée
une fois l'âge de 19 mois atteint. Pour ce faire, les chercheurs ont
dosé le taux de cortisol - une hormone dont les variations sont liées au
stress - dans la salive des enfants avant et après deux mises en
situation au caractère inhabituel. Dans la première, chaque enfant,
accompagné de sa mère, était placé dans une pièce où l'on faisait entrer
un clown; dans un deuxième temps, un robot bruyant faisait irruption
dans la pièce. Sans être traumatisants, ces événements suffisent à
provoquer des changements de comportements chez bon nombre d'enfants de cet âge, signale le professeur Michel Boivin.
Les résultats montrent que les enfants du groupe exposition continue à
l'alcool affichent des taux plus bas de cortisol avant les tests et que
leur réponse aux deux stress, estimée par le changement dans le taux de
cortisol, est cinq fois plus forte. Même à faible dose, l'alcool
pourrait perturber le développement du cerveau pendant la gestation, en
particulier les régions impliquées dans la régulation du stress. Ces
différences ne s'expriment toutefois que chez les garçons. La raison?
"Nos résultats suggèrent une "mauvaise communication" entre les axes
responsables de la sécrétion de cortisol et de la testostérone chez les
petits garçons ayant été exposés à de l'alcool au cours de leur
développement prénatal", avance Isabelle Ouellet-Morin.
Une hausse transitoire du cortisol est normale en condition de stress,
mais une plus grande réactivité au stress est considérée comme un
facteur de risque de problèmes de santé mentale (dépression, trouble de
stress post-traumatique) et physique (perturbation du système
immunitaire), en plus de conduire à des comportements problématiques
(conduites antisociales, consommation de drogues et d'alcool), souligne
la chercheuse. "Les résultats de notre étude appellent à la prudence et
soulèvent la possibilité qu'une faible exposition prénatale à l'alcool
puisse laisser des traces qui ne soient pas nécessairement manifestes à
court terme, mais qui pourraient accroître la vulnérabilité aux
problèmes de comportements et de santé mentale, surtout chez les
personnes qui se trouvent ultérieurement confrontées à des conditions de
vie difficiles."