Source: Marty-Kanatakhatsus Meunier - Université de Sherbrooke

Les piliers de ponts, les colonnes et poutres des stationnements multi-étagés et les structures marines sont grandement détériorés en raison des grandes fluctuations de la température et de l'humidité relative ainsi que de l'emploi des sels de déglaçage. Le professeur Radhouane Masmoudi, de la Faculté de génie de l'Université de Sherbrooke, essaie de trouver des solutions pour améliorer la durabilité des structures en béton armé en effectuant des recherches sur les polymères renforcés de fibres (PRF). "Les polymères sont légers et durables dans des milieux agressifs tels les sels de déglaçage et les fluctuations thermiques de notre climat. Ils peuvent être utilisés comme matériau de renforcement pour augmenter la capacité portante de la structure en béton armé qui est alors confinée et protégée face aux charges extrêmes", soutient le chercheur du Département de génie civil.

"L'utilisation des PRF comme coffrage permanent, intégré à la structure en béton armé, élimine complètement le coffrage temporaire en bois ou en acier, ce qui permet une économie substantielle des coûts d'opération de mise en place et de décoffrage. On élimine aussi les étriers, puisque le béton est complètement confiné à l'aide des tubes en PRF", ajoute le professeur Masmoudi. La recherche en est d'ailleurs à ses premiers balbutiements dans ce domaine.

Le laboratoire de recherche sur la durabilité à long terme des matériaux composites pour l'infrastructure est équipé d'une machine d'enroulement filamentaire permettant la fabrication de ces tubes en PRF mariant la résine et la fibre de verre. À cet égard, les matériaux composites sont des résines pour la plupart à base de polyester, de vinylester ou d'epoxy. La résine vinylester est la plus recommandée pour des infrastructures en génie civil en raison de ses performances et de son coût.

Des essais expérimentaux concluants

Plusieurs projets de recherche sont en cours afin d'évaluer et de quantifier l'effet de plusieurs paramètres de conception sur le comportement structural de ces structures hybrides à haute performance. À titre d'exemple, la résistance à la compression d'un cylindre de béton normal (D x H = 150 x 300 mm) de 30 MPa a été augmentée à 125 MPa à la suite de l'utilisation d'un tube en polymères renforcés de fibres de verre de 6,4 mm d'épaisseur.

Hormis des performances mécaniques ultra élevées, ce concept permet de protéger les structures en béton armé contre les sels de déglaçage et nos conditions environnementales agressives. En conséquence, de grandes économies pourront être réalisées, non seulement en termes d'une structure en béton armé beaucoup plus optimisée par une utilisation moins grande de béton et d'armature, mais aussi et surtout en termes d'allongement des durées de vie utile d'un tel ouvrage. En ce sens, il faut s'attendre à ce que la durabilité à très long terme soit doublée voire quadruplée par rapport aux structures conventionnelles de béton armé.

Les premières recherches sur des cylindres et colonnes renforcés de tubes en PRF soumises à 300 cycles de gel-dégel n'ont pratiquement eu aucune influence sur les capacités portantes initiales, alors que les échantillons identiques de référence, non armés et armés, ont subi des réductions de 36 % et de 20 % de leurs capacités axiales initiales, respectivement.

Défis d'ingénierie

"Notre plus grand défi d'ingénierie pour améliorer la conception des colonnes et poutres en béton armé renforcées de tubes en matériaux composites réside dans le maillage avec le béton afin d'en maximiser son adhérence. Ces deux composantes doivent travailler ensemble afin de permettre une compatibilité dans les déformations, explique le professeur Masmoudi. Pour les poutres soumises à des charges de flexion, il faudra orienter la fibre dans le sens longitudinal de l'axe de la poutre, ce qui nécessitera un arrangement spécial, dont l'utilisation de mâchoires aux extrémités permettant d'orienter les fibres dans le sens longitudinal directement sur la machine d'enroulement filamentaire."

D'autres défis sont à résoudre, notamment l'intégration de capteurs intelligents lors de la fabrication des tubes afin de permettre le monitorage du comportement structural de ces nouvelles structures hybrides et l'optimisation, à l'aide de la méthode des éléments finis, du patron de bobinage des fibres, ainsi que l'augmentation des performances mécaniques à court et à long termes du mélange résineux en utilisant des nanoparticules.