Source: Daniel Baril - Université de Montréal

Si c'est un lieu commun de dire qu'il vaut mieux prévenir que guérir, il n'est par contre pas toujours facile de démontrer les avantages économiques de la prévention. La Dr Manon Labrecque, pneumologue à l'Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal et professeur à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal, vient d'en faire la démonstration pour ce qui est de l'asthme en milieu de travail.

Son étude effectuée parmi des travailleurs exposés aux diisocyanates - des produits de durcissement utilisés dans les peintures et les plastiques - montre que le dépistage précoce de l'asthme entraine un taux de guérison plus de deux fois supérieur à une absence de dépistage et permet des économies de 7700 $ par patient.

"Les diisocyanates sont la cause la plus fréquente de l'asthme en milieu de travail, précise la chercheuse. La première mesure de prévention est de réduire l'exposition à ces produits par une bonne ventilation et par le port d'un masque. Sinon, la prévention secondaire doit porter sur le dépistage précoce des travailleurs à risque afin de limiter les séquelles."

Moins cher et en meilleure santé

Un programme de dépistage a été lancé auprès de 4000 travailleurs répartis dans 1800 entreprises du Québec. Un questionnaire sur les symptômes de l'asthme leur a été distribué, ce qui a donné un taux de 6,3 % de réponses positives. Ces cas ont été étudiés par des médecins qui, en bout de ligne, ont confirmé un diagnostic d'asthme chez 55 travailleurs. Trente-cinq d'entre eux souffraient d'asthme non lié au travail, mais, pour les 20 autres, la maladie était bel et bien due aux conditions de travail.

"Ces 20 personnes ont été retirées de leur poste de travail et traitées aux corticostéroïdes pendant deux ans tout en étant soutenues financièrement par la Commission de la santé et de la sécurité du travail [CSST]", souligne la Dr Labrecque.

Après deux ans de traitement, le taux de guérison était de 34 %, comparativement à 16 % chez un groupe témoin formé d'asthmatiques ayant consulté un médecin de leur propre initiative en dehors du programme de recherche. Les patients du programme de dépistage avaient couté en moyenne 11 900 $ à la CSST contre 19 600 $ pour ceux du groupe témoin.

"Si nos patients ont été deux fois plus nombreux à être guéris tout en ayant couté moins cher au système, c'est que la maladie était moins avancée parce qu'elle a été diagnostiquée tôt, estime la chercheuse. Plus le diagnostic est précoce, plus les chances de guérison sont élevées. Si ce programme de dépistage était permanent, les économies seraient énormes, d'autant plus que les structures pour administrer un tel programme existent déjà. Et les entreprises en tireraient elles aussi des avantages."

À son avis, les économies seraient sans doute supérieures à celles révélées par l'étude, puisqu'elle n'a pas été en mesure d'estimer le cout des visites à l'urgence, de la médication et de la réadaptation des patients du groupe témoin.

Manon Labrecque poursuit présentement une étude semblable visant à évaluer un programme de prévention des maladies pulmonaires associées à la poussière de bois.