Source: CNRS-INSB

A l'image des eucaryotes, les bactéries disposent elles aussi de moteurs moléculaires leur permettant notamment de se déplacer sur des surfaces solides. C'est ce que viennent de montrer des chercheurs du CNRS et de l'Université de Princeton, en étudiant la motilité de la bactérie modèle Myxococcus xanthus. Ce travail a été publié le 11 avril 2011 dans la revue PNAS.

Du fait de leur petite taille, les bactéries ont longtemps été considérées comme des compartiments simples et désordonnés, au sein desquels les interactions entre les complexes protéiques sont le résultat de phénomènes de diffusion passive. Cependant, l'émergence des techniques de biologie cellulaire à haute résolution a permis de mettre en évidence que les bactéries sont hautement architecturées et organisées par un cytosquelette complexe, réunissant actine, tubuline et filaments intermédiaires. Pourtant, des moteurs bactériens de type myosine ou kinésine, permettant le transport dirigé de protéines, n'ont jamais été identifiés. La motilité des cellules eucaryotes étant réalisée grâce à ce type de moteurs, l'équipe de Tâm Mignot au Laboratoire de chimie bactérienne (LCB, CNRS) a émis l'hypothèse que l'étude de la motilité chez les bactéries pourrait conduire à l'identification de moteurs similaires.

Un grand nombre de bactéries est capable de se déplacer sur des surfaces solides en l'absence de tout appendice extracellulaire visible et de tout changement morphologique de l'enveloppe. Ce mode de déplacement appelé "gliding motility" est actuellement peu compris. En collaboration avec Eric Cascales du Laboratoire d'ingénierie des systèmes macromoléculaires (LISM, CNRS) et l'équipe de loshua Shaevitz du Département de physique de l'Université de Princeton, les chercheurs du LCB ont étudié ce processus chez la bactérie modèle Myxococcus xanthus. Grâce à une combinaison d'approches multidisciplinaires, mêlant pinces optiques, microfluidie, biologie cellulaire et génétique, ils ont identifié le moteur moléculaire qui énergise ce processus de motilité. Ce moteur (AglQRS), localisé dans la membrane interne de la bactérie, constitue un canal à protons qui utilise la force proton motrice pour transporter processivement des complexes de motilité en coopération avec le cytosquelette d'actine. L'attachement des complexes de motilité sur le substrat permet la propulsion du corps cellulaire.

De nombreuses questions quant au mécanisme de motilité restent sans réponse. Comment le travail du moteur est-il transduit à la surface cellulaire ? Quel est le rôle exact du cytosquelette ? D'un point de vue général, les chercheurs ont pour la première fois, identifié un complexe permettant le transport dirigé de protéines dans une cellule procaryote. Ils anticipent qu'à l'instar des moteurs moléculaires eucaryotes, cette famille de moteurs moléculaires a été adaptée à de nombreux processus physiologiques chez les bactéries.