Source: CNRS-INEE

Les parasites ont tous besoin, à un moment ou un autre de leur cycle de vie, de vivre aux dépens d'un hôte. Dans un article à paraître dans Evolution, une équipe de l'UMR Biogéosciences de Dijon (CNRS / Université de Bourgogne) a montré qu'un parasite peut au contraire, en modifiant le comportement de son hôte, le protéger de manière temporaire.

Le ver parasite Pomphorhynchus laevis utilise le gammare, un crustacé d'eau douce, comme hôte intermédiaire, dans lequel il grandit tout en restant à l'état larvaire. Pour devenir adulte et se reproduire, il doit être ingéré par un poisson qui deviendra l'hôte définitif. Nombreuses sont les espèces de parasites qui ont donc évolué pour favoriser la prédation de leur hôte intermédiaire par leur hôte définitif. Les chercheurs de l'Equipe Ecologie évolutive de Dijon (UMR Biogéosciences) ont ainsi montré il y a quelques années que les larves de Pomphorhynchus laevis forcent les gammares à adopter des comportements quelque peu suicidaires, en modulant ou en inhibant leurs comportements anti-prédateur tels que la photophobie, l'utilisation de refuges ou la fuite en réaction à l'odeur d'un poisson. Les crustacés parasitiquement modifiés sont jusqu'à 20 fois plus mangés que les individus non parasités.

Toutefois, cette stratégie n'est pas intéressante pour la larve parasitaire si son stade de développement ne lui permet pas encore de s'implanter dans l'hôte définitif: toute prédation par ce dernier se soldera par la mort du parasite. Celui-ci a donc intérêt à protéger le gammare de la prédation pendant cette période, quitte à inverser la tendance dès l'infectivité atteinte. C'est ce que l'équipe de l'UMR Biogéosciences vient de démontrer expérimentalement: les gammares hébergeant une larve immature se cachent plus que les gammares sains et encourent un risque de prédation plus faible. En revanche, dès que la larve a atteint le stade où elle peut infecter les poissons, les comportements s'inversent et le taux de prédation des gammares parasités devient plus fort que celui de leurs congénères sains.

Cette protection de l'hôte par la larve de parasite, même pendant un court moment de son développement, pose naturellement la question des intérêts de chacun des acteurs dans cette association. En effet, ces intérêts semblent converger: l'hôte intermédiaire comme le parasite voient, grâce à cette protection, leur risque de mortalité amoindri. On ne peut pas pour autant parler de mutualisme. En effet, si l'hôte trouvait vraiment son compte à posséder des défenses anti-prédateur renforcées, il les mettrait en action de lui-même. Les changements de comportement étant modulés en fonction du stade de développement du parasite, ils bénéficient bien plus à ce dernier qu'à l'hôte.

Référence: Protection first then facilitation: a manipulative parasite modulates the vulnerability to predation of its intermediate host according to its own developmental stage, Evolution (sous presse ; disponible en ligne avec la référence DOI: 10.1111/j.1558-5646.2011.01330.x), Lucile Dianne, Marie-Jeanne Perrot-Minnot, Alexandre Bauer, Mickaël Gaillard, Elsa Léger & Thierry Rigaud.