Un parasite qui vous veut du bien... temporairement !
Par Benje le dimanche, juin 12 2011, 12:41 - Nouvelles Scientifiques - Lien permanent
Source: CNRS-INEE
Les parasites ont tous besoin, à un moment ou un autre de leur cycle de vie, de vivre aux dépens d'un hôte. Dans un article à paraître dans Evolution, une équipe de l'UMR Biogéosciences de Dijon (CNRS / Université de Bourgogne) a montré qu'un parasite
peut au contraire, en modifiant le comportement de son hôte, le protéger
de manière temporaire.
Le ver parasite Pomphorhynchus laevis utilise le gammare, un
crustacé d'eau douce, comme hôte intermédiaire, dans lequel il grandit
tout en restant à l'état larvaire. Pour devenir adulte et se reproduire,
il doit être ingéré par un poisson qui deviendra l'hôte définitif.
Nombreuses sont les espèces de parasites qui ont donc évolué pour
favoriser la prédation de leur hôte intermédiaire par leur hôte
définitif. Les chercheurs de l'Equipe Ecologie évolutive de Dijon (UMR
Biogéosciences) ont ainsi montré il y a quelques années que les larves
de Pomphorhynchus laevis forcent les gammares à adopter des
comportements quelque peu suicidaires, en modulant ou en inhibant leurs
comportements anti-prédateur tels que la photophobie, l'utilisation de
refuges ou la fuite en réaction à l'odeur d'un poisson. Les crustacés
parasitiquement modifiés sont jusqu'à 20 fois plus mangés que les
individus non parasités.
Toutefois, cette stratégie n'est pas intéressante pour la larve parasitaire si son stade
de développement ne lui permet pas encore de s'implanter dans l'hôte
définitif: toute prédation par ce dernier se soldera par la mort du
parasite. Celui-ci a donc intérêt à protéger le gammare de la prédation
pendant cette période, quitte à inverser la tendance dès l'infectivité
atteinte. C'est ce que l'équipe de l'UMR Biogéosciences vient de
démontrer expérimentalement: les gammares hébergeant une larve immature
se cachent plus que les gammares sains et encourent un risque de
prédation plus faible. En revanche, dès que la larve a atteint le stade
où elle peut infecter les poissons, les comportements s'inversent et le
taux de prédation des gammares parasités devient plus fort que celui de
leurs congénères sains.
Cette protection de l'hôte par la larve de parasite, même pendant un
court moment de son développement, pose naturellement la question des
intérêts de chacun des acteurs dans cette association. En effet, ces
intérêts semblent converger: l'hôte intermédiaire comme le parasite
voient, grâce à cette protection, leur risque de mortalité amoindri. On
ne peut pas pour autant parler de mutualisme. En effet, si l'hôte
trouvait vraiment son compte à posséder des défenses anti-prédateur
renforcées, il les mettrait en action de lui-même. Les changements de
comportement étant modulés en fonction du stade de développement du
parasite, ils bénéficient bien plus à ce dernier qu'à l'hôte.
Référence: Protection first then facilitation: a manipulative parasite modulates
the vulnerability to predation of its intermediate host according to its
own developmental stage, Evolution (sous presse ; disponible en ligne
avec la référence DOI: 10.1111/j.1558-5646.2011.01330.x), Lucile Dianne,
Marie-Jeanne Perrot-Minnot, Alexandre Bauer, Mickaël Gaillard, Elsa
Léger & Thierry Rigaud.